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français fondé sur elles, au moyen d’une « refonte complète du règlement. » L’article 1er de ce règlement renouvelé nous l’indique assez clairement : les commissions seraient nommées par la Chambre, et vraisemblablement il y aurait autant de commissions que de ministères ; on se rapprocherait donc du système conventionnel ; et l’on s’écarterait d’autant du régime parlementaire. Les socialistes ne le disent pas, mais ce qu’ils disent nous autorise à le dire : les nécessités parlementaires et politiques d’une démocratie, entendues comme ils les entendent, c’est la démocratie absolue, c’est le parlementarisme illimité. Or, la démocratie étant, par essence et par définition, un régime de justice et d’égalité entre les élémens de la société, et le parlementarisme, un régime de relation et d’équilibre entre les organes de l’Etat, leur manière de réformer démocratiquement le parlementarisme en le « refondant complètement, » c’est donc, en en laissant subsister l’apparence, d’en détruire la réalité.

L’autre parti, au contraire, — ou plutôt ce n’est pas un parti, mais un groupe composé d’hommes de tous les partis et réunis expressément, exclusivement à cette unique fin, la réforme parlementaire, — l’autre groupe ne veut pas qu’on nous ramène, ni le parlement, ni la France, au système conventionnel, qui n’est que l’organisation du despotisme collectif. Il ne veut pas plus de six cents tyrans que d’un seul, et il en voudrait sans doute moins encore, puisqu’ils seraient six cents au lieu d’un, si la tyrannie était divisible, et si, à six cents têtes ou à une seule, ce n’était pas toujours la tyrannie. Quelque démocrates que fassent profession d’être tels ou tels de ses adhérens et la plupart d’entre eux, quelque parlementaires qu’ils soient tous, ils préfèrent à la démocratie absolue la démocratie constitutionnelle ; au parlementarisme illimité, le parlementarisme limité.

Certes, ils croient d’une foi sincère que le régime parlementaire, le vrai, — s’il n’est peut-être pas, comme quelques-uns l’avancent, la forme nécessaire, indispensable et adéquate d’un bon régime politique, — en est du moins, à de certaines conditions, une des formes possibles, acceptables et pas trop inégales ; mais encore faut-il que ce soit le vrai régime parlementaire ; et il faut, pour que ce soit lui, que ces conditions soient remplies.

Ils ne cessent pas de professer que le régime parlementaire est probablement, dans l’état de l’Europe occidentale au début du XXe siècle, celle de ces formes qui convient le mieux, qu’il