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Je vois bien à quelle pensée de méfiance ont obéi les auteurs de ce bienheureux texte : ils n’ont pas voulu que le gouvernement pût, par ses juges, avoir une main « sur les libres choix de la souveraineté populaire ; » mais, dans leur probité candide, ils n’ont pas réfléchi, ces hommes d’un autre temps, qu’il y pourrait avoir les deux mains par ses mamelouks. Peut-être les choses en viendront-elles ainsi à cette extrémité qu’il serait plus simple de ne faire nommer au suffrage soi-disant universel que les trois quarts des membres de la Chambre : le dernier quart serait ensuite nommé par la majorité, sur la désignation du ministère de l’Intérieur ! — Toujours est-il, en attendant, que voilà une réforme, — le transfert de la vérification des pouvoirs à un tribunal, à une cour ou à une section de cour, — qui trouverait dans la Chambre même un accueil favorable, et qu’il est impossible de faire sans toucher à la constitution ; mais que l’on devrait faire pourtant ; que l’on voudrait faire ; qu’un jour ou l’autre, il faudra faire.

En voilà une, mais combien n’y en a-t-il pas, de toutes tailles, petites et grosses, et d’abord rien que dans le règlement de la Chambre ? Il est devenu pour ainsi dire de style dans les discours présidentiels, en prenant possession du fauteuil à l’ouverture de chaque session ordinaire, de promettre aux hommes de bonne volonté une active collaboration, à l’effet louable d’améliorer « les méthodes de travail » parlementaires. Le fait est qu’elles ont singulièrement besoin d’être améliorées ; si singulièrement que quiconque a l’expérience et l’habitude d’un « travail méthodique » ne comprime pas sans peine une folle envie de rire ou une envie terrible de se fâcher, — affaire de tempérament, — quand il compare à ce qu’est un travail méthodique ce que sont ces « méthodes de travail ! » — Et les procédés de scrutin, le vote par procuration, des députés les uns pour les autres, d’un député pour dix ou vingt autres, car il en est qui, solidement postés derrière leur pupitre chargé de plusieurs rangs de boîtes, étalant aux yeux de la galerie la confiance de leurs collègues, ont l’air méditatif d’un organiste à son clavier, ou l’air affairé d’un buvetier devant ses assiettes ! — Et, se joignant à l’abus du vote par procuration, en dégageant, en développant les fâcheuses conséquences, l’abus du scrutin public, avec ses pointages, ses rectifications, ces espèces de post-scriptum, ces errata qui parfois le renversent : « M. X…, porté comme ayant voté contre,