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Coomara Swami, brahme[1] et admirateur de M. Cousin avec qui j’avais à le faire dîner[2] sans jambon ni bœuf. (Ma cuisinière proposait du veau.) Enfin il a mangé du poulet et bu de l’eau et a parlé beaucoup du Nirvana à M. Cousin, sans le prendre aux cheveux. C’était une paire de philosophes très doux, mais je ne sais pas mieux ce qu’il faut entendre par Nirvana : les uns prétendent que c’est anéantissement sans conscience, d’autres avec conscience, d’autres conscience sans souvenir, quelques-uns absorption complète, d’autres etc. Cela paraît fort bien imaginé pour exercer les beaux esprits.

Vous avez lu le discours de lord Palmerston. Ce chant du cygne ressemble fort à celui d’une oie. Il prend pour devise la paix à tout prix. Cela me rappelle Brid’oison qui dit : « On ne se dit ces choses-là qu’à soi-même. » Je vois d’ici l’exultation des Allemands.

Il me semble qu’ici on commence à se moins féliciter de n’avoir pas pris part à la querelle. On a quelque peur qu’on ne nom soupçonne de prudence, comme si nous n’avions pas fait nos preuves du contraire. Je crains une colère rentrée faisant explosion tout d’un coup à propos de bottes.

Mlle X… a-t-elle reçu sa démission ? On le disait plus hautement de l’autre côté du canal qu’on ne le dit à présent. Il paraît certain qu’on n’ira pas à Biarritz le mois prochain. On en conclut un plus long voyage. Les devins disent en Palestine. Je n’en sais absolument rien. Mais s’il y avait ombre de vérité, vous feriez bien de vous munir de bonnes jambes pour escalader l’Acropole et le Lycabète, car on ne manquerait pas de vous faire visite en passant.

Les sénateurs meurent comme des mouches. On ne les remplace pas, parce qu’en octobre il y aura de grands changemens. Jusque-là on a ajourné toutes les disputes intestines et autres. Le Sénat sera un hôpital pour les blessés ; mais je ne serais pas surpris qu’on attendît plus longtemps encore.

La grande nouvelle, pas plus ou encore moins vraie que toutes celles que je vous donne, est que le prince Humbert vient épouser la princesse Anna, par quoi finit en Italie le parti des Muratistes, et le Saint-Père paiera la dot. C’est ce qui a rendu malade Mgr de Mérode.

  1. Cf. Lettre à Victor Cousin, du 14 juillet 1864.
  2. Cf. Lettre à la princesse Julie Bonaparte, du 22 août.