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beaucoup plus que comme des représentations de la nature. Le besoin de se faire comprendre a conduit à adopter des formes conventionnelles qui ont dû arrêter les artistes dans leurs essais d’une imitation plus exacte de la nature. Je connais un abbé qui explore en ce moment le pays de Guatemala et qui trouve des villes immenses. Malheureusement il ne sait pas dessiner et n’a pas de chambre claire, ni d’appareil photographique. Il croit, contrairement à l’opinion commune, que la civilisation est venue au Mexique par le Sud et qu’il y aurait eu autrefois communication entre les populations du haut Pérou et celles de l’Amérique septentrionale. Cela aurait eu lieu avant la venue des Incas au Pérou ; peut-être avant celle des Toltèques. Il a l’espoir de pénétrer au-delà de la chaîne des Lacandons et d’arriver à cette ville indienne possédant encore la civilisation américaine dont plusieurs voyageurs ont parlé, mais que personne n’a vue. Malheureusement ces gens-là coupent le cou aux voyageurs dès qu’ils ont passé la frontière, et je crains fort que mon abbé ne revienne pas de son aventureux voyage.

A propos de têtes coupées, prenez garde à la vôtre. Les gens bien pensans se proposent, dès que l’inquisition sera rétablie, de vous brûler à petit feu en expiation de plusieurs énormités, et singulièrement pour vos prédictions sinistres. Plaisanterie à part, je crois que l’abaissement de l’intelligence actuel, qui semble vous donner gain de cause, en ce moment, ne tient pas tant au mélange des races qu’à la direction donnée à l’éducation en Europe. A n’examiner les mélanges de races qu’au point de vue purement physique, ne peut-on pas dire qu’en général les métis sont supérieurs à leurs auteurs ? Je sais que si lord Byron avait fait un enfant à une Hottentote, cet enfant aurait été probablement assez laid. Mais les mulâtres sont souvent, presque toujours même, plus forts, plus agiles, plus adroits que le blanc et la négresse qui les ont produits. Lorsque le sang noir n’entre que pour une faible partie dans la composition d’un homme, il a autant d’esprit qu’un Européen et ordinairement il est plus fort et plus beau. Un certain nombre d’individus d’une espèce bien choisie suffisent à relever toute une race. Vous en verriez la preuve en visitant les villes où il y a des cuirassiers en garnison. Connaissez-vous ce fait très curieux : un chat noir et une chatte blanche, dégoûtés de la civilisation, vont s’établir dans les bois et y travaillent à la