Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 11.djvu/704

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Chacun des quatre prédécesseurs de Nelson, Hawke, Rodney, Hood et Jervis, dans son caractère spécial, représente une phase du progrès qui a eu dans Nelson sa fleur et son fruit, et qui a produit incidemment un certain nombre d’hommes d’activité générale dans un rang moins élevé, comme Saumarez et Pellew. Chacun d’eux est un type admirable de la classe qu’il représente, et sert à montrer que l’esprit dont étaient animés Hawke et ses successeurs immédiats, avait pénétré toute la marine au temps de Nelson. Les quatre premières biographies forment comme le prologue du grand drame des exploits du héros, les deux dernières en sont l’épilogue. C’est dans la guerre que tous ces hommes se sont formés et élevés, qu’ils ont déployé leurs facultés, donné la mesure de ce dont ils étaient capables. Avant eux, la marine britannique avait traversé une triste période, qui aboutit à l’élévation aux plus hauts grades d’hommes comme Mathews et Byng. « La bataille de Toulon en 1744 doit entièrement sa signification historique au fait qu’elle a manifesté avec éclat la condition dégénérée où était tombé le personnel du commandement de la marine anglaise, l’avilissement de l’idéal, le niveau déprimé de la compétence professionnelle. » Hawke assistait à cette bataille où Mathews commandait en chef. Le premier représentait l’esprit de la guerre, l’ardeur, l’initiative rapide, la promptitude de ressources, l’impatience de la règle et de la routine ; l’autre représentait tout le contraire, et cela le conduisit à la défaite et à la cour martiale.

Une longue période de paix porte au premier rang des hommes de formalisme et de routine, des Mathews et des Byng, des sergens instructeurs et non des généraux, des hommes prudens, honnêtes jusqu’à la limite de leurs capacités, consciencieux, pointilleux pour tout, sauf pour l’essentiel, dépourvus d’initiative, d’impulsion, d’originalité. La poussée de ces hommes au premier rang est inévitable, s’il n’est fait, dans la période même de paix, un effort incessant pour la « préparation à la guerre », si cette préparation n’est pas la pensée absorbante, presque unique, de tout le corps des officiers de mer ou de terre. « Il y a quelque chose de bien plus important que la perfection matérielle d’une arme ; c’est l’habileté pratique de l’élément humain qui doit manier cette arme. »

Pendant tout le xviiie siècle, l’instrument naval ne subit que d’insignifiantes transformations. Ce fut toujours le gros vaisseau