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gouvernement qui a fait perdre à la France ses colonies au xviiie siècle. Les colonies ont été perdues aussitôt que nous avons cessé d’avoir une flotte digne de ce nom. On pourrait dire qu’à cet égard, et pour ce qui nous concerne, l’œuvre de Mahan est l’histoire des erreurs de la France dans sa lutte contre l’Angleterre. Cela est vrai, plus encore, du volume publié en 1893, dans lequel Mahan a étudié les luttes navales entre l’Angleterre et la France, pendant la période révolutionnaire et impériale, de 1793 à 1812[1].


II

Les critiques anglais disent eux-mêmes que le grand défaut des œuvres britanniques d’histoire navale, surtout pour la période de la fin du xviiie siècle et du commencement du xixe, est l’absence de vues philosophiques, le manque de recherche et de discussion des relations de cause à effet. « Les événemens racontés, dit l’un d’eux, sont entassés comme un monceau de houille non triée. Gros et petits morceaux sont confondus dans le poussier ; au lecteur à extraire du tas ce qui peut servir à sa consommation. » Les historiens de la période navale d’Elisabeth et des Stuarts donnent, dans leurs récits, quelques exemples de sens critique, de proportion, d’effet dramatique. La sécheresse, à son plus haut degré, est au contraire la caractéristique d’un chroniqueur naval, excellent par ailleurs, du début du xixee siècle, James.

À côté de ces chroniqueurs qui ont au moins les qualités d’exactitude et de compétence se placent les littérateurs ou vulgarisateurs, qui visent exclusivement à l’intérêt du récit, sans aucun souci de l’exactitude ou de la philosophie des événemens. Le résultat est que la nation anglaise est restée longtemps et est encore fort ignorante en ce qui concerne l’histoire de sa marine et l’état vrai de sa force navale, et qu’elle est toujours prête à adopter l’opinion du publiciste qui traite le dernier ce sujet ou en parle avec le plus d’assurance.

Cela explique l’enthousiasme avec lequel les Anglais, après la publication des deux volumes sur The Influence of Sea Power

  1. The Influence of Sea Power upon the French Revolution and Empire, 1793-1812. By Captain A. T. Mahan, 1893.