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quatrième partie de Poésie et Vérité, un plan de la suite de Faust, qu’il avait renoncé à exécuter, Eckermann l’en détourna, se mit à classer les fragmens manuscrits, et détermina le poète, alors âgé de soixante-quinze ans, à reprendre encore une fois son œuvre, pour la mener enfin à terme.

On ne saurait dire d’une manière précise, malgré l’abondance des renseignemens que nous possédons sur Gœthe, quelles étaient alors les parties du second Faust déjà composées ou esquissées. C’étaient probablement les scènes du premier acte qui se reliaient directement à la Première partie, et celles du cinquième acte où l’idée du pari engagé avec Méphistophélès revient pour la dernière fois ; mais c’était surtout le commencement du troisième acte, c’est-à-dire de cet épisode d’Hélène qui forme comme une tragédie à part, et auquel Schiller s’était déjà intéressé. L’évocation d’Hélène constitue, avec le séjour de Faust à la cour, le contingent que la vieille légende a fourni au second Faust ; mais ces deux élémens ont subi, comme le reste de la légende, une série de transformations, avant de se fixer dans l’esprit du poète et d’entrer dans le cadre élastique de sa vaste épopée.

Dès l’année 1800, Gœthe écrivait à Schiller : « Mon Hélène est réellement entrée en scène. Mais maintenant, ce que la situation de mon héroïne a de beau me séduit tellement que je serais affligé de n’en tirer qu’une fantasmagorie grotesque, et j’ai bien envie de construire sur ce qui est commencé une tragédie sérieuse. » Dès lors, Hélène n’est plus ce qu’elle était encore dans le premier plan de Gœthe, un simulacre trompeur, tiré de l’enfer ; c’est un type éternel, une essence qui ne meurt jamais, mais qui ne vit que pour l’artiste, capable de lui donner une forme dans son imagination. Méphistophélès n’a aucun pouvoir sur elle. C’est Faust lui-même, armé d’une clef magique, qui descend jusqu’aux profondeurs obscures où l’être se confond avec le néant, pour la ramener à la lumière. Elle lui échappe une première fois lorsqu’il la fait apparaître devant la cour de l’empereur en compagnie de Pâris, et qu’il est entraîné vers elle dans un mouvement de convoitise jalouse. Il faut, pour la retrouver, qu’il se transporte sur le sol de la Grèce, qu’il assiste à une Nuit de Walpurgis classique, qu’il voie défiler devant lui les formes multiples de la mythologie primitive des Grecs, symboles d’une civilisation à l’état de devenir et qui aspire elle-