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l’outillage nécessaire pour réparer et ravitailler des navires de guerre. D’immenses parcs à charbon, qui contiennent déjà plusieurs milliers de tonnes de combustible, sont aménagés avec des appontemens et des voies ferrées permettant de remplir rapidement les soutes de toute une escadre. Plus à l’ouest, au-delà de la pointe d’El-Caïd, seront établis, un peu à l’écart, dans un enclos spécial, les ateliers de pyrotechnie, les dépôts de munitions ; les bateaux viendront embarquer leurs « poudres » dans un petit port spécial, déjà presque terminé. Un embranchement de la ligne ferrée de Bizerte à Tunis multiplie ses ramifications à travers ce dédale de magasins et d’ateliers. Entre les deux grands enclos, le long d’une large avenue déjà tracée, vont s’élever les bâtisses de la cité militaire : l’hôtel du commandement, que l’on appelle, par avance, la Préfecture maritime, une caserne pour les équipages de la flotte, une autre pour un bataillon de l’armée de terre, des logemens, des réfectoires pour les ouvriers et employés de l’arsenal, un hôpital de 60 lits. Des squares embelliront de verdure les abords de l’arsenal ; de vastes jardins entoureront l’hôtel du commandement ; une pépinière est, dès aujourd’hui, plantée, car, sous le soleil d’Afrique, l’ombre et la fraîcheur sont plus qu’un agrément, une nécessité.

Une ville est née de l’arsenal, ville étrange et cosmopolite où se coudoient des Italiens, des Maltais, des Français, des Espagnols, des indigènes, des nègres, attirés par les travaux de Sidi-Abdallah. Près de 5 000 habitans peuplent déjà la cité nouvelle, qui a reçu le nom de l’homme d’Etat auquel la France doit la Tunisie. Les débitans de boissons, les mercantis qui accompagnent toujours une nombreuse population ouvrière, sont installés à Ferryville. Il faut espérer que, bientôt, l’achèvement de l’arsenal y amènera un plus grand nombre de nos nationaux[1] ; des maisons plus coquettes, de jolies villas vont s’élever sur les flancs de Sidi-Yaya pour recevoir les ingénieurs, les officiers et tout un monde d’employés et de contremaîtres français ; ils augmenteront la population de la ville nouvelle et, pour ainsi dire, la franciseront, achevant ainsi de donner, à ces bords du lac de Bizerte, hier encore inhabités, l’aspect d’un coin de France, laborieux et passionnément fidèle à la grande pairie.

  1. On cherche, en ce moment, à faire venir à Bizerte et à Ferryville, environ 2 000 ouvriers français, et l’on a de la peine à les trouver, malgré les bonnes conditions offertes.