Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 11.djvu/650

Cette page a été validée par deux contributeurs.

diable l’éleva en effet jusqu’à une certaine hauteur, mais le laissa retomber si brusquement qu’il pensa en perdre la vie. Le lieu de sa mort, dans le récit attribué à Mélanchton, est placé dans un bourg du duché de Wurtemberg. Au milieu de la nuit, la maison qu’il habite est ébranlée dans ses fondemens. Le lendemain, comme l’heure de midi approchait déjà, son hôte, ne le voyant pas reparaître, entra dans sa chambre et le trouva étendu sur le plancher devant son lit, le cou tordu et la face retournée. Pendant sa vie, ajoute le récit, un démon le suivait toujours sous la forme d’un chien[1].

Il existe un autre témoignage, plus ancien et plus explicite, quoique moins complet, que Neumann ne paraît pas avoir connu : c’est celui de Jean Tritheim ou Trithemius, un des hommes les plus savans et les plus considérés de son temps, mort en 1516 comme prieur du couvent des bénédictins à Wurzbourg. Un de ses amis, le mathématicien Virdung, de Hasfurt, lui avait écrit qu’on attendait dans cette ville le grand magicien George Sabellicus et lui avait demandé des renseignemens sur ce personnage. Tritheim lui répond, à la date du 20 août 1507 : « L’homme dont tu me parles, qui ose s’appeler le premier des nécromanciens, n’est qu’un hâbleur, qui mériterait d’être frappé de verges pour ses propos scandaleux et impies. Il s’appelle tour à tour George Sabellicus et Faust le Jeune, expert en toute sorte de magie et de science occulte. Revenant, l’année dernière, de la marche de Brandebourg, et passant par Gelnhausen, j’ai trouvé cet homme, dont on me disait merveilles ; mais, ayant appris ma présence dans la ville, il s’enfuit, et l’on ne put jamais le décider à paraître devant moi. Il avait déclaré que, si tous les écrits de Platon et d’Aristote étaient perdus, il pourrait, par la puissance de son génie, les rétablir plus beaux et plus complets. Il se rendit plus tard à Wurzbourg, et, d’après ce que l’on m’a rapporté, il dit, en présence de plusieurs personnes, que les miracles de Jésus-Christ n’avaient rien de si miraculeux, et

  1. Locorum communium collectanea, Bâle, 1562. — Les dires de Manlius sont répétés par Jean Wier ou Wierus, médecin du duc Guillaume de Clèves (De Præstigiis dæmonum, Bâle, 1568). — Philippe Camerarius, à son tour, confirme le témoignage de Wier (Horæ subcisivæ, Francfort, 1602) Il ajoute, pour l’avoir entendu dire, qu’un jour Faust fit paraître brusquement devant ses compagnons une vigne chargée de raisins mûrs, et lorsqu’ils voulurent les saisir, ils s’aperçurent qu’ils tenaient chacun un couteau à la main, avec lequel ils s’apprêtaient à se couper le nez.