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C’est le comte de Brissac qui succéda à M. de Bouille. A son tour, M. de Montbel, remplaçant M. de Brissac pendant une absence de celui-ci, donnait des nouvelles du prince :


Je puis vous en rendre bon témoignage, il est fidèle aux préceptes et aux exemples que vous lui avez donnés. Il est franchement et loyalement chrétien. Son esprit est vif, sa mémoire excellente et ornée, son intelligence pénétrante. Mais ce qui est surtout remarquable en lui, c’est la justesse de son jugement et la justice de son cœur… Ce qui fait honneur à ses sentimens, c’est l’affection qu’il a pour vous. Il se plaint de votre silence, est impatient d’avoir de vos nouvelles. Aussi je l’ai charmé en lui remettant votre dernière lettre.


A la fin de 1843, le Comte de Chambord est en Angleterre. Après les réceptions de Belgrave-Square, qui émurent si fort le gouvernement de Louis-Philippe, le prince écrit au baron de Damas :


Londres, le 17 décembre 1843.

Je n’ai pu trouver encore jusqu’ici un seul moment, mon cher baron, pour vous remercier de vos lettres et vous dire tout le plaisir que j’ai eu à revoir vos deux fils Edmond et Maxence[1]. Edmond, qui est plus formé et que je connais davantage, me paraît très bien ; je ne puis que faire son éloge : il m’a rendu ici beaucoup de petits services dont j’aime à lui exprimer ma reconnaissance.

En voyant se presser autour de moi tant de Français fidèles, j’ai bien regretté de ne pas trouver parmi eux mon ancien gouverneur, que j’aurais été si heureux de revoir. J’apprécie cependant les motifs qui vous ont empêché de venir dans cette circonstance : je sais que c’est un grand sacrifice que vous vous êtes imposé ; croyez que c’en est un aussi pour moi.

Le duc de Lévis m’a communiqué vos lettres que j’ai lues avec attention. J’espère que vous aurez été content de celle que j’ai adressée à M. de Chateaubriand : elle répond à votre pensée. J’ai voulu profiter de l’occasion qui m’était offerte de prouver à la France que si je veux régner sur elle, ce n’est que pour mieux assurer son bonheur, que bien loin d’être ennemi d’une sage liberté, je comprends qu’elle est nécessaire dans le temps où nous vivons, mais qu’elle ne peut fleurir en France qu’à l’abri d’institutions monarchiques fortement constituées. Éclairé par de sages conseils, je cherche à remplir de mon mieux et autant que les circonstances le permettent les grands devoirs qui me sont imposés. La Providence fera le reste.

Adieu, mon cher ami, je vous renouvelle l’assurance de ma bien sincère et constante affection.

HENRI.

  1. Edmond, comte de Damas d’Anlezy (1820-1875) et Maxence, comte de Damas d’Hautefort (1822-1887). Ce dernier, un des intimes du Comte de Chambord, remplissait auprès de lui les fonctions d’écuyer, pour lesquelles sa compétence était universellement reconnue. En 1873, il avait tout préparé pour l’entrée du Roi à Paris : c’est lui qui eut la douloureuse tâche d’organiser les obsèques à Goritz.