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Souvenirs récemment publiés, relate longuement ses mésaventures et ses déboires. D’une bravoure incontestée, loyal gentilhomme, on ne peut reprocher au marquis d’Hautpoul que de s’être fait l’homme d’un parti. Caractère faible, hésitant, trop méfiant de lui-même, ses Souvenirs le représentent comme dominé par la préoccupation d’élever le jeune prince d’après les idées des « Royalistes de l’Intérieur, » dont il se dit l’envoyé. Nous croyons cependant qu’aigri par l’insuccès de sa mission, il a exagéré les sentimens avec lesquels il arrivait à Prague : nous en avons pour preuve la relation déjà plusieurs fois citée :


Vers le même temps, y lit-on, arriva M. d’Hautpoul. Le Roi l’avait nommé vers la fin de juin sous-gouverneur du Duc de Bordeaux. Un plan d’éducation semi-religieuse, qu’il avait envoyé alors, avait peu satisfait, et depuis on ne l’avait pas pressé de venir. Le Roi même y comptait si peu, que quand M. de Latour-Maubourg eut écrit qu’il ne pouvait accepter à cause de ses blessures, le prince, se tournant vers le baron d’un air riant :

— Eh bien ! baron, ils ne viennent point, tant mieux, nous sommes de vieux amis, nous resterons comme nous sommes.

Mais ce n’était pas le compte du parti. M. de Latour-Maubourg pressé, tout impotent qu’il était, de se mettre en route et hors d’état de le faire, pressa vivement à son tour M. d’Hautpoul, il le lui enjoignit même en sa qualité de gouverneur, dont il avait accepté le titre, et dont il irait, disait-il, remplir les fonctions quand sa santé lui permettrait de soutenir le voyage. Du reste, M. d’Hautpoul en a agi avec le P. Déplace avec beaucoup d’égards et de délicatesse ; il regrettait, disait-il, de ne pas vivre avec lui, il ne voyait pas ce qui aurait pu en empêcher ; il ignorait en partant ce qui se passait à Prague, il croyait que le baron et les Jésuites étaient déjà bien loin. « Si j’eusse su, ajoutait-il, que vous y fussiez encore, assurément je me serais bien gardé de venir. »


Mgr Frayssinous était arrivé à Prague un peu avant M. d’Hautpoul ; on lui proposa encore de garder les Jésuites, il refusa net et fut installé comme précepteur en même temps que M. d’Hautpoul comme remplaçant M. de Latour-Maubourg. Il avait fait venir de Rome l’abbé Trébuquet pour le seconder.


La présentation de Mgr d’Hermopolis et de M. Trébuquet annonçait assez au jeune prince que l’espérance de conserver le baron et MM. Déplace et Druilhet était à peu près évanouie. Il en fut très affecté et pleura beaucoup après que Mgr d’Hermopolis fut parti. Le soir, il le trouva chez le Roi avec M. d’Hautpoul. À cette vue, d’un air sombre et sans leur dire un seul mot, il se retire dans un coin du salon, les yeux rouges de larmes et le cœur très gros. La Dauphine se lève, s’approche et veut le consoler. « Laissez-moi, lui dit-il, le cœur me crève de douleur, » et s’élançant dans la pièce voisine il