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conventionnelle, d’un fluide ou d’un solide, et c’est ainsi que, de la « nécessité même de penser en relations, » se conclut la nécessité d’un « non relatif réel. »

Que pouvons-nous cependant savoir de ce « non relatif » ou connaître de cet Inconnaissable ? Il est ; mais est-il autre chose et quelque chose de plus qu’une condition de la pensée ? Car, pour ceux qui n’y prétendent voir « que l’absence des conditions sans lesquelles la pensée est possible, » ils le confondent avec l’ « Inconcevable, » qui est tout autre chose, et pour ceux qui ne sont frappés que de la contradiction impliquée dans la prétention de « connaître l’Inconnaissable, » ils abusent de la pauvreté du langage humain. Si nous ne pouvons pas tout connaître de l’Inconnaissable, il n’est pas contradictoire d’en vouloir connaître quelque chose, et, au fait, combien n’y a-t-il pas de causes ou de forces que nous ne connaîtrons jamais en elles-mêmes, quoique nous en connaissions, et même que nous en gouvernions les effets ? Nous ne pouvons pas non plus nous contenter de dire, avec le poète,

Il est, il est, il est ! Il est éperdument ;

et quoique cela n’équivalût pas du tout à ne rien dire, on voudrait cependant quelque chose de plus précis. Qu’est-ce donc que l’Inconnaissable ? et, d’abord, de la reconnaissance ou de l’aveu que le positivisme en a dû faire, — dont nous avons même vu, sous le nom d’Agnosticisme, sortir une doctrine entière, — quelles sont les conséquences qui ont suivi ?

L’une des plus intéressantes est sans doute la limitation du pouvoir de la science par la science, et au nom de la science elle-même. « Plus s’est étendue notre connaissance des faits et des lois, écrivait récemment l’un des plus sérieux adversaires de la théorie de l’inconnaissable, plus s’est épaissi le mystère des forces dont nous mesurons au dehors les effets comme mouvemens, et qui répondent en nous à des sensations avec lesquelles nous ne pouvons leur imaginer aucune similitude de nature. Nous nous voyons bien plus loin que ne croyaient l’être les anciens savans ou philosophes de comprendre ce que c’est que la chaleur. Nous constatons seulement ce qu’elle fait. Et la pesanteur, de même ; et les affinités chimiques, etc. La réduction, admise aujourd’hui de l’unique objet déterminable aux phénomènes mécaniques, forme extérieure de tous les inconnus, ce grand progrès pour la