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moins encore s’il s’agit de la « remplacer ! » L’absolu n’est pas le relatif ! Un système de rapports n’explique pas l’homme à lui-même, son origine ou sa destinée, ne résout pas l’énigme du monde. C’est ce qu’aurait vu Renan si sa conception de la science, en 1848, n’avait pas été beaucoup plus conforme à celle de Voltaire ; ou de Diderot, — disons de Victor Cousin, — qu’à celle d’Auguste Comte. Ou plutôt il l’a très bien vu, et là même est l’explication du mépris doux et transcendant avec lequel, — dans son Avenir de la science et ailleurs, — il a toujours parlé d’Auguste Comte. Il le méprisait aussi d’écrire moins bien qu’Ernest Renan.


IV

De cette conception de la science, voyons maintenant se dégager et sortir la métaphysique du positivisme ; et pour cela revenons d’abord à la théorie de la « relativité de la connaissance. » La science, avons-nous dit, n’est qu’un système de rapports ou de signes, entre lesquels et ce qu’ils signifient nous ne saurions affirmer s’il y a plus de « rapports » qu’entre « le Chien, constellation céleste, » et « le chien animal aboyant. » Il y en a même et certainement moins, puisque les rapports que nous ne voyons pas entre le Chien « constellation céleste, » et le chien « animal aboyant, » d’autres les y ont vus, et ces autres sont les anciens hommes qui jadis les ont nommés du même nom. En revanche, de ces rapports dont le système constitue notre science, nous pouvons assurer qu’ils sont constans et nécessaires. Ils ne deviennent « scientifiques » qu’à cette condition, et ils le deviennent aussitôt qu’ils sont conçus comme tels. Constance et nécessité, ce sont même deux des caractères qui distinguent la science d’avec l’art. Car ne sont-ce pas aussi des « rapports » qu’expriment la musique, par exemple, ou la peinture ? Mais ces rapports ne sont pas « constans, » et ils ne sont pas « nécessaires. » Il arrive, dit-on, fréquemment, que le rapport soit le même entre la longueur de la tête humaine, par exemple, et la longueur du buste ou du corps tout entier. Mais ce rapport n’est pas « nécessaire, » puisqu’il est souvent autre ; et nous devons nous féliciter qu’il ne soit pas « constant, » puisqu’un grand artiste est celui qui nous le présente sous un aspect personnel, original, et imprévu. On a pu dire que l’art consistait dans l’altération des