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Celle-ci, cependant, devait répondre à d’assez grandes exigences : la nourriture de 1 200 à 1 300 chameaux, y compris ceux des convois libres, l’abreuvage aussi de 400 hommes. C’était là un grand souci ; on pouvait sans doute charger de l’eau pour quelques jours et également du fourrage destiné aux chameaux pour un jour ou deux ; mais cela n’ajournait que de peu la difficulté qui se représentait bientôt. Il fallait donc trouver des pâturages à peu près chaque jour sur toute cette étendue du Sahara, et quoique parfois les guides à dessein conduisissent la mission à travers les lieux les plus désolés. Le commandant Reibell, dans le substantiel, très précis et très intéressant rapport qu’il a rédigé sur l’escorte de la mission saharienne, retrace ainsi les dispositions prises à ce sujet : « Toute l’activité du service de surveillance se portait sur le troupeau (les chameaux), qui, dès l’arrivée à l’étape, était envoyé au pâturage à des distances atteignant parfois plusieurs kilomètres. La garde du troupeau se composait de huit hommes et six sokhars (chameliers) chaamba par section ; ces derniers restaient dispersés parmi les groupes de chameaux, ou partaient à la recherche de pâturages nouveaux ; les tirailleurs formaient sur les points dominans une ligne de poste autour du troupeau… Partant tous les jours à la chasse, à la recherche de points d’eau ou de terrains de pacage, doués d’une vue perçante et lisant merveilleusement dans les traces, les guides (chambaa) constituèrent un service quotidien de reconnaissance qui n’était pas sans danger dans un pays semé d’embuscades et où quelques-uns trouvèrent la mort[1]. » Il s’agit dans cette citation des guides chambaa, qui servirent surtout dans le Sahara septentrional, et non des guides touareg, ceux-ci la plupart très suspects, qui dirigèrent la mission dans le Sahara central et méridional.

Ainsi, à ces 1200 ou 1300 chameaux, auxquels se joignaient quelques chevaux, non seulement il fallait des pâturages en quelque sorte quotidiens, pendant toute la traversée du désert, mais il fallait encore que ces pâturages, destinés à ce troupeau colossal, se trouvassent à proximité de l’étape ; qu’ils fussent assez ramassés et faciles à surveiller, pour que les chameaux ne s’égarassent pas ou ne fussent pas volés par de petits groupes touareg qui suivaient et épiaient constamment de loin la mission.

  1. Mission saharienne, p. 804 et 805.