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mission ; on lui adjoignit comme chef de l’escorte un officier de beaucoup de mérite, ayant longtemps résidé à El-Goléa, à l’extrême sud de notre Algérie, et ayant développé son goût et ses connaissances des choses d’Afrique par des voyages au Congo, au Cap et au Transvaal, le commandant Lamy.

On devait avoir à lutter contre les obstacles provenant de la nature et les obstacles provenant des hommes ; les premiers étaient inconnus et difficilement appréciables, puisque le quart central du trajet n’avait jamais été fait par un Européen ; l’expérience devait démontrer que ces obstacles de la nature avaient été grossis par l’imagination. Les difficultés provenant des habitans étaient plus mesurables. Flatters avait échoué dans sa seconde exploration, en partie par trop de confiance, puisque lui et presque toute sa petite troupe furent massacrés par trahison, en partie aussi, cependant, par l’insuffisance de son escorte. Eût-il échappé au guet-apens du puits de Tadjenout qu’il est douteux qu’avec l’effectif insignifiant de sa mission, il eût pu triompher de la mauvaise volonté des gens de l’Aïr et de ceux de Zinder, que nous n’occupions pas alors.

Dans sa première mission, qui ne fit, il est vrai, qu’explorer les confins extérieurs de notre Algérie, la marche voisine, en quelque sorte, de notre Algérie orientale, le colonel Flatters n’était accompagné que de 30 cavaliers à méhari (chameaux de course) et de 50 chameliers pris parmi les Chambba d’Ouargla. L’effectif de sa seconde expédition, sans être plus nombreux, contenait une proportion plus élevée d’hommes de guerre : à 32 Chambba et Larbaa on avait joint 46 volontaires, tirés des régimens indigènes. Cette petite troupe était encore fort inférieure au nombre qu’eût requis la prudence : au début, Flatters avait bien demandé une escorte de 200 hommes pris dans nos régimens indigènes ; mais la Commission supérieure du Transsaharien, influencée par quelques esprits timides, avait considéré que, avec une pareille force, l’exploration eût dégénéré en une « véritable expédition militaire, perdant le caractère pacifique qui convient à une mission scientifique. » C’est avec ces raisonnemens qu’on fait avorter les projets les mieux conçus et que l’on perd les empires. L’imbécillité de ces membres de la Commission supérieure a certainement privé la France, pour toujours, d’un des plus beaux morceaux de l’Afrique ; car, si Flatters fût arrivé au Tchad, en 1882 ou 1883, il est fort probable que nous