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chacun prie Dieu et fasse son salut à sa façon. Soit : mais les Polonais, du moins aujourd’hui, ne se plaignent pas d’oppression religieuse. Leurs griefs principaux viennent d’ailleurs : ils ne souffrent pas comme catholiques, mais comme Polonais. « La seconde erreur, dit Guillaume II, est celle qui entretient le soupçon qu’on cherche à éteindre les particularités caractéristiques et les traditions d’une race. Cela n’est pas. Le royaume de Prusse est formé de la réunion de nombreuses races, dont chacune est fière de son histoire et de son caractère distinctif. Cela n’empêche pas ces hommes de différentes races d’être avant tout de loyaux Prussiens. Il faut qu’il en soit également ainsi dans cette province. Les traditions, les souvenirs seront respectés ; seulement ces traditions et ces souvenirs appartiennent au passé. À l’heure actuelle, je ne connais ici que des Prussiens, et je dois à l’œuvre de mes ancêtres de veiller à ce que cette province reste indissolublement liée à la monarchie prussienne, à ce qu’elle demeure constamment prussienne et allemande en toute loyauté. » On voit par cette citation que le ton général du discours est peu bienveillant. Et sans doute l’empereur a raison de désirer, ou plutôt de vouloir qu’une province de Prusse reste prussienne ; mais ne peut-elle pas être polonaise en même temps ? Toute la question est là. Lorsqu’on enlève leurs terres aux Polonais pour les y remplacer par des Allemands, est-ce qu’on ne porte pas une atteinte directe, non seulement aux traditions et aux signes distinctifs de leur race, mais à son existence même ? En réalité, il n’y a pas de persécution, grande ou petite, que le particularisme prussien, si étroit, si méthodique, si exigeant, n’exerce contre la population de Posnanie. Il paraît que cela est indispensable pour empêcher les Polonais de poloniser toute l’Allemagne. On nous permettra de croire que l’Autriche a mieux résolu le problème qui consistait aussi pour elle à s’attacher les Polonais. Composée de races et de nationalités plus nombreuses et plus diverses encore que la Prusse et que l’Allemagne du Nord, ses fautes passées lui ont enfin appris à les gouverner d’une main plus légère et plus douce. L’empereur Guillaume a d’autres procédés : nous constatons seulement qu’ils lui ont, jusqu’à ce jour, moins bien réussi.

Que faut-il, d’après lui, pour « répandre la civilisation allemande par un travail opiniâtre et persistant ? » Il faut, dit-il, « que mes fonctionnaires obéissent d’une façon absolue à mes instructions et à mes ordres, et appliquent sans hésitation la politique que j’ai reconnue la meilleure pour la-province de Posnanie. » On sait et on constate une fois de plus que l’empereur a en lui-même une confiance absolue ; en