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lité de la politique, prussienne. Ils ne se sont même pas gênés, en Autriche, pour manifester ces sentimens et en faire retentir le Reichsrath : le cabinet de Berlin s’en est plaint inutilement. On se demandait donc ce que l’empereur Guillaume dirait à Posen. Il y avait entraîné avec lui toute une armée. De plus, des Allemands étaient venus en grand, nombre des provinces voisines. Jamais population plus dense ne s’était pressée dans les rues de Posen. La ville était remplie d’arcs de triomphe et de drapeaux. Cependant, et malgré tous les efforts qu’avait faits la police pour empêcher ce contraste de se produire, la plupart des fenêtres polonaises étaient hermétiquement closes. On voyait dans la même maison un étage brillamment pavoisé parce qu’il était habité par des Allemands, et un autre nu et triste parce qu’il l’était par des Polonais, et cette protestation muette au milieu de la fête la plus éclatante n’en était que plus remarquée. Les Polonais refusaient de prendre part aux réjouissances communes : ils attendaient le discours de l’empereur.

Ce discours ne sent pas l’improvisation : il a été certainement très médité, très réfléchi, et le fait même que, par une innovation imprévue, l’empereur l’a fait afficher dans toute la province de Posnanie, montre l’extrême importance qu’il y attache. Il faut donc y chercher l’expression véritable de sa pensée. Nous doutons qu’elle satisfasse les Polonais. Sans doute, il n’y a plus une seule expression arrogante ni blessante dans le discours de Posen, qui, à ce point de vue, se distingue heureusement de celui de Marienbourg : mais il est impossible d’y trouver non plus la moindre marque de sympathie à l’égard des populations polonaises de l’empire. « Nous sommes ici, a répété l’empereur avec une affectation sensible, au milieu d’une population allemande ; nous sommes ici dans une fidèle ville allemande. C’est un acte de fidélité envers nous que l’œuvre accomplie ici par les Allemands pour relever ce pays. » Et Guillaume a glorifié cette œuvre allemande, qu’il n’a pas manqué, comme il l’avait déjà fait à Marienbourg, de rattacher aux souvenirs de l’Ordre teutonique. Les Polonais l’ont trouvé lourde et pénible pour eux. L’empereur ne l’ignore pas, et il a abordé la question de front : « Je regrette profondément, a-t-il dit, qu’une partie de mes sujets de race non allemande paraisse s’accommoder difficilement de notre régime. La cause de ce fait semble provenir de deux erreurs. » La première serait, de la part des Polonais, la crainte devoir porter atteinte à leur religion. L’empereur proteste avec énergie contre toute pensée de ce genre attribuée à son gouvernement. Il se déclare libéral, tolérant en matière religieuse, et trouve fort bon que