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défenseurs, et, d’après les confidences des journaux, M. Combes aurait été au nombre de ces derniers. Eh, quoi ! M. Combes n’est-il pas, non seulement président du Conseil, mais encore ministre de l’Intérieur ? Il semble donc qu’il avait une double qualité pour soutenir un préfet qui jouissait de sa confiance, et pour imposer sa volonté. Il semble même qu’il avait le devoir de le faire ; mais il ne l’a point fait. Bien que les décisions du Conseil des ministres soient censées être prises à l’unanimité, elles le sont à la majorité, et M. le préfet des Bouches-du-Rhône ayant eu cette majorité contre lui, M. Combes s’est incliné. M. Lutaud a été nommé dans la Gironde. Ce n’est pas pour lui que nous le regrettons, car, même en quittant Marseille, on peut trouver quelque agrément à habiter Bordeaux : mais nous plaignons les bons et courageux citoyens qui, à la suite d’un effort persévérant, avaient enfin réussi à se débarrasser de M. Flaissières, et qui tenaient essentiellement à conserver parmi eux le préfet qui les y avait aidés. C’est un soufflet qu’on leur donne, et ils le ressentiront vivement. On aurait compris, tout en la combattant, la résolution de M. Combes, s’il l’avait prise de lui-même et si elle était le résultat de sa volonté propre. Mais non ! M. Combes, après avoir essayé de défendre M. Lutaud, l’a abandonné ; il s’est soumis aux injonctions qui lui étaient adressées ; il a capitulé. Grand succès pour les socialistes de Marseille, qui annoncent très haut l’intention et l’espérance, maintenant qu’ils ont été débarrassés d’un préfet qui les gênait, de s’emparer de l’hôtel de ville dès qu’il y aura de nouvelles élections municipales, et d’y réinstaller M. Flaissières ! Nous espérons bien qu’ils n’y réussiront pas ; mais leur audace s’accroît de plus en plus à mesure qu’ils constatent leur toute-puissance sur le ministère, et que celui-ci abdique morceau par morceau son autorité entre leurs mains.

Pourquoi M. Combes, abusant de la loi sur les associations qu’il a interprétée à sa fantaisie, a-t-il fermé de force un si grand nombre d’écoles libres ? Pour se concilier les bonnes grâces des radicaux socialistes. Pourquoi a-t-il renvoyé M. Lutaud de Marseille ? Exactement pour le même motif. La même cause a produit ces effets différens. M. Combes est-il donc socialiste ? Non, il ne l’est pas ; mais que ferait-il de plus s’il l’était ? Il est faible, ce qui est le pire défaut d’un président du Conseil. Il cherche sa majorité à l’extrême-gauche ; et voilà comment nous sommes gouvernés par les socialistes, bien qu’ils soient en minorité dans la Chambre et encore bien plus dans le pays. Qu’importe s’ils sont les plus exigeans et s’ils savent le mieux se faire