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seille et lui en a confié une autre : elle consistait à combattre le maire socialiste, M. Flaissières, entre les mains duquel l’administration de la ville avait pris le caractère le plus désordonné. M. Flaissières a été certainement un des instigateurs de la dernière grève, qui a si mal fait les affaires de Marseille et si bien celles de Gênes. À ce moment, il a demandé à M. Waldeck-Rousseau de le recevoir : celui-ci s’y est refusé, ce dont M. Flaissières a juré de se venger. Mais avec M. Lutaud il avait affaire à forte partie, et sa popularité déjà en décroissance n’a pas tardé à disparaître presque complètement. Rien, au surplus, de plus naturel : le même résultat se serait produit, plus lentement peut-être, mais tout aussi sûrement avec un autre préfet. Au Nord comme au Midi, toutes les villes, qui ont fait l’expérience ruineuse d’une municipalité socialiste, n’ont pas tardé à s’en repentir. L’état des finances de Marseille montre que, si M. Flaissières est un grand politique, il est un pitoyable administrateur, et c’est par là qu’il a péri.

Une opposition de plus en plus considérable s’est formée contre lui. Elle était dirigée par des républicains, et même par des républicains avancés, radicaux pour la plupart, mais qui, inquiets du présent et encore plus de l’avenir, voulaient arracher l’hôtel de ville à un homme qui avait fait ses preuves d’incapacité. Les socialistes accusent M. Lutaud d’avoir encouragé et soutenu cette opposition contre M. Flaissières, et ils ont probablement raison. Des élections municipales ont eu lieu. Deux listes étaient en présence : celle de M. Flaissières a subi un échec complet. Un nouveau maire a été élu à sa place, et on a commencé à espérer que les ruines qu’il avait accumulées pourraient être réparées. L’honneur de cette situation revenait en partie au préfet ; mais cet honneur n’était pas sans péril. Les socialistes, en effet, n’ont pas pardonné à M. Lutaud de n’avoir pas été l’instrument docile de leurs volontés. Ils l’ont rendu responsable de leur déconfiture électorale, et ont assiégé la porte du ministère de l’Intérieur, pour obtenir de M. Combes, ou plutôt pour lui imposer le remplacement d’un homme qui leur était devenu insupportable. Mais enfin M. Lutaud avait-il manqué à ses instructions ? Avait-il suivi une politique personnelle ? Avait-il été un seul moment en désaccord avec son gouvernement ? Point du tout. Il avait été un agent fidèle, et son gouvernement n’avait aucun reproche à lui adresser ; mais les socialistes ne voulaient plus de lui, et cela devait suffire. Après avoir demandé, ils ont exigé son déplacement ; On assure qu’il y a eu des divisions et de la résistance dans le cabinet. M. Lutaud y a trouvé des