Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 11.djvu/414

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leçons. Certes, c’était l’apologie par affirmation convaincue et par dédain transcendant des difficultés. Pour Thring, aucune objection ne comptait. « Le système de Darwin, qu’est-ce que c’est que cela ? Des contes de nourrice ! » et un vigoureux haussement d’épaules achevait la réfutation.


Sans doute, écrit son élève, il n’enrichissait guère par là l’arsenal logique de la défense de la religion, mais il donnait aux croyans une leçon importante, en leur faisant prendre à cœur la vieille foi et en les cuirassant contre le bruit et l’élégance des sophismes. Quand les genoux sont faibles et que les chrétiens ont sottement peur de passer pour des retardataires et des esprits étroits, c’est tout de même réconfortant d’entendre un homme de cœur renvoyer rondement bavarder avec les nourrices les adversaires de la foi.


Tout n’est pas faux dans cette page et dans le système qu’elle défend, et il y a quelque chose de très sûr et de très sage dans l’attitude d’un homme qui a priori dédaigne tranquillement toutes les objections. Il a la foi, et l’expérience intime de sa vie lui donne des évidences qu’aucune découverte scientifique n’ébranlera jamais. « Nous sentions, dit un des élèves de Thring, qu’il nous parlait de choses qu’il avait vues et vécues, » et un autre ajoute : « Il semblait voir Dieu de ses propres yeux, He seemed to see God with his eyes. » Ce genre de certitude permet d’en prendre à l’aise avec n’importe quelles objections, et on peut pardonner à un voyageur qui hausse les épaules et refuse même d’examiner les raisons savantes qu’on lui apporte pour lui démontrer que tel pays, d’où il revient, n’existe pas.

Nous avons le bonheur de posséder sur ces choses le témoignage vivant d’une âme que Thring a contribué à former. Ame rare et dont on évoque le souvenir avec une profonde tristesse. Sans le fatal accident de montagne qui l’enleva en pleine jeunesse, Louis Nettleship serait aujourd’hui la gloire d’Uppingham et d’Oxford. Enseveli dans la neige, au cours d’une excursion en Suisse, il n’a pas eu le temps de tracer comme il se l’était promis le portrait de son premier maître, mais on a gardé les lettres qu’à peine sorti de collège, il écrivait à Thring, et nous pouvons suivre dans ces précieuses pages, la noblesse et les imperfections de la méthode intellectuelle du réformateur d’Uppingham.

Depuis l’entrée de cet enfant au collège, son nom revient souvent dans le journal quotidien du Head-Master. « Splendide copie de Nettleship, » « Cet enfant ira loin. » « Belle version de