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trop sévère dont les élèves d’Uppingham furent forcés de l’acheter.


IV

Mr J. Fitch, un des hommes qui ont en Angleterre le plus de compétence sur les questions pédagogiques, se demande quelque part, non pas si le directeur d’une école doit être religieux, — la question ne se pose même pas pour lui, — mais s’il doit être nécessairement homme d’église. Une tradition vieille de plusieurs siècles voulait, en effet, jusqu’ici, en Angleterre, que les head-masters des public schools appartinssent au clergé. Mr Fitch regrette une disposition qui pourrait éloigner de ces importantes fonctions des hommes très distingués, mais comme d’ailleurs il se rend parfaitement compte des multiples avantages de l’ancien usage, il propose un moyen terme qui ne manque ni de sagesse ni de piquant. « Je voudrais, dit-il, qu’on pût confier ces fonctions à un laïque à qui l’évêque permettrait de prêcher dans la chapelle de l’école. » Le projet est d’un homme qui a bien compris l’autorité que le privilège d’une mission divine donnera toujours à l’éducateur. Thring ne cessa jamais de se prévaloir et de se couvrir d’un tel privilège. Homme d’église et chrétien fervent, il avoue lui-même qu’il n’aurait pas eu le cœur de continuer sa besogne, s’il n’avait senti profondément qu’il travaillait pour le Christ. « Il y a, écrit-il, un point dont l’évidence est enracinée au fond de mon cœur : c’est qu’il est absurde de rêver le succès d’une école de premier ordre dont le directeur n’aurait pas le droit d’exercer sur ses élèves une influence religieuse » et, pour défendre cette évidence, il n’aurait eu qu’à faire appel à l’expérience de toute sa vie.

D’un dogmatisme assez étroit et qui serait vite devenu intolérant, sa religion était, au point de vue moral, conciliante, libérale et pratique. Il n’entendait en rien l’imposer de force aux élèves et toute pression en ce sens lui aurait paru funeste. S’il note triomphalement le nombre croissant des communions, c’est qu’il est bien sûr qu’aucun esprit de calcul ou de soumission aux maîtres ne vient profaner ces actes d’une dévotion volontaire et spontanée. D’ailleurs, pour cet esprit à la fois mystique et positif, le bon travail est déjà une prière, comme nous le montre une lettre qu’il écrivait à son fils peu avant de mourir.