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compromettantes. Il réunit le Conseil d’Etat, informe les grands corps de l’Etat des négociations, reçoit les adulations optimistes de Fontanes, ce Barère académique du nouveau régime : « Un grand peuple est capable de tout avec un grand homme ! » Joseph, désappointé, repart pour Mortefontaine. Talleyrand dit à Huber : « Je vous répète que nous voulons la paix, que nous la voulons plus que jamais, que, si elle nous échappe, ce sera par le simple effet du peu de ménagemens que vous avez pour l’amour-propre du Premier Consul… Il ne peut pas souffrir de se voir dicter sur tout, et il répète sans cesse que l’Angleterre le traite comme une garnison qui demanderait à capituler… Ce sera l’amour-propre blessé qui décidera la guerre. Car, pour le fond, il est impossible de ne pas s’entendre, et nous nous entendrons… » Vains propos que le Suisse Huber prise à leur néant. Whitworth est parti, la rupture est consommée, l’honnête courtier change de ton : « Que signifie ce langage à présent que vous avez laissé partir milord Whitworth ?… Qu’est-ce que cet enfantillage du Consul qui demande des bonbons pour ne pas mettre l’Europe en feu ? J’ai laissé lord Whitworth dégoûté, jusqu’à satiété, de procédés si peu analogues aux siens et qui annoncent simplement le désir de gagner du temps. — Gagner du temps ! » s’écrie Talleyrand, et, ingénument : « pour quel objet ? — Mais je ne le comprends pas trop, je l’avoue, à moins que vous ne vous flattiez que l’Angleterre vous donnerait le temps de voir rentrer votre escadre de Saint-Domingue. »

« J’ai été poussé à bout, » écrit Bonaparte au Pape, le 17 mai. Le 19, on apprend que les deux ambassadeurs ont passé le détroit, Andréossy revenant de Londres, Whitworth de Paris. Le 21, le Moniteur publie un message du Consul aux corps de l’Etat et des pièces de la négociation. Puis, apprenant que, même avant que la guerre soit officiellement déclarée, des bâtimens français ont été, dès le 20 mai, capturés dans la baie d’Audierne, par des navires anglais, en outre, que l’embargo a été mis en Angleterre sur des navires français et que des lettres de marque seront données, le 26 mai, Bonaparte commande, le 22, d’arrêter tous les Anglais qui se trouvent sur le territoire de la République, de mettre, en France et dans la république italienne, l’embargo sur les marchandises anglaises ; des lettres de marque seront données, les corsaires sont invités à courir sus aux navires anglais ; tous les Anglais de dix-huit à