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un peu l’histoire des deux jours et des quatre jours de salle de police dans l’armée : qu’il y a parfois quelque part d’arbitraire ; mais où n’y en a-t-il pas en fait de culpabilité et de répression, ou bien de quoi ne dit-on pas qu’il y en a ? Comme dans l’armée encore, tout ce qui est « gradé, » tous les officiers et sous-officiers de la mine, par cela seul qu’ils sont officiers et sous-officiers, sont en position d’infliger cette première punition qui est une amende, sous réserve, toujours comme dans l’armée, de « l’augmentation » de ladite amende par le supérieur hiérarchique. Quant aux autres punitions, aux punitions graves, interdites au sous-officier et réservées à l’officier, à l’ingénieur, ce sont le renvoi, la plus grave de toutes ; la mise à pied temporaire ; le changement de fosse, le déplacement dans un chantier plus pénible ou moins productif. Le hasard m’a fait rencontrer un de ces « déportés » qui revenait d’un exil à la fosse 5 de la compagnie de B… Il en parlait comme de la Sibérie ; mais, avec la franchise confiante qui est un des caractères de cette population quand elle n’est pas excitée par le politicien, il confessait son « crime » et en battait sa coulpe. « N’est-ce pas que tu ne l’avais pas volé ? » lui dit l’ingénieur. Et ingénument ou malignement, souriant de l’œil et de la lèvre, l’homme répond : — « Sûr, que je ne l’avais pas volé ! »

Une si parfaite résignation est un signe que la justice est sans injustice et même la sévérité sans excès. Les amendes sont assez fortes proportionnellement au gain, puisqu’elles vont de un à 10 francs ; mais les plus grosses, celles de 5 et de 10 francs ne visent guère et ne frappent guère que des cas où est intéressée la sécurité commune des ouvriers du fond ; le produit en est versé à la caisse de secours et ne tourne jamais au profit de la compagnie ; par-dessus tout, on ne les distribue pas à tort et à travers ; elles n’entament ni ne rognent abusivement le salaire. Comparé aux salaires anciens, encore que les comparaisons de statistique soient aussi périlleuses dans le temps que dans l’espace et historiquement que géographiquement, l’accroissement paraît certain, et par là aussi, comme par la réduction du temps de travail et par l’adoucissement des circonstances du travail, il y a amélioration matérielle de la condition de l’ouvrier.

Relevons, pour mémoire, quelques-uns de ces salaires d’autrefois. Vers le milieu du XVIIIe siècle, dans le bassin de la Loire,