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exceptionnellement. Vers le même temps, entre 1786 et 1790, les 40 ouvriers occupés dans les mines du marquis de Mondragon, à Saint-Chamond, ne produisaient, eux, que 210 bennes, environ 17 ou 18 tonnes, chacun 450 kilos.

En termes généraux, l’ascension est constante. La production, qui était, vers 1760, de 50 000 à 60 000 tonnes à Rive-de-Gier comme à Saint-Etienne, arrivait, en 1815, à 208 000 tonnes dans la région de Rive-de-Gier, à 129 000 tonnes dans la région de Saint-Étienne. En 1833, Rive-de-Gier dépasse 370 000 tonnes, Saint-Etienne atteint 300 000. Dix ans plus tard, en 1844, la production totale du bassin houiller est déjà de 1 225 000 tonnes ; en 1880, elle est de 3 600 000 ; elle avoisine maintenant 4 millions. Mais, que la production en bloc ait augmenté, cela ne prouve qu’indirectement et insuffisamment l’augmentation de la productivité de l’ouvrier, car il n’est pas sûr que toutes choses soient demeurées égales d’ailleurs, et même il est sûr, au contraire, que toutes choses ne sont pas demeurées égales.

Voici donc qui nous donnera une preuve directe et suffisante : bien que ces données s’appliquent à la Belgique, il n’y a nulle témérité à les étendre par analogie à la France, surtout au bassin du Nord et du Pas-de-Calais, si voisin de la Belgique à tous les égards, géographiquement et industriellement. Or, en Belgique, le rendement annuel de l’ouvrier dans les mines de houille, qui, de 1831 à 1840, était de 92 tonnes, s’est élevé successivement, de dix ans en dix ans, à 112, 123, 138, 145 tonnes, pour en arriver à 175 de 1881 à 1890[1]. Bien entendu, il s’agit ici de l’ouvrier sans distinction : la productivité de l’ouvrier du fond, et surtout du mineur, du piqueur, de l’ouvrier à veine, étant certainement beaucoup plus forte. Et si nous avons tant insisté là-dessus, sur la productivité de l’ouvrier, c’est que la production, la quantité produite, est l’un des facteurs, et, pour quelques catégories d’ouvriers, pour les principales, le principal facteur du salaire.


II

C’est en effet le grand point ; et, quoique le temps, la peine et le produit du travail aient en eux-mêmes une signification et une importance, ils n’ont peut-être toute leur signification et

  1. André Liesse, le Travail, p. 273, d’après Grûner, Atlas des mines.