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Sur ce fond de tableau sombre et sanglant se détachent, d’autant plus riantes et radieuses, la figure de Richard, ou plus familièrement, Dick Shelton, le jeune page de sir Daniel Brackley, et celle de Joanna Sedley. Celle-ci est une riche héritière que sir Daniel a fait enlever pour tirer parti de sa dot, qu’il a forcée de revêtir des vêtemens d’hommes, et à qui il a donné le nom de M. John pour mieux la cacher. Ces deux jeunes gens, rapprochés par un sort commun, deviennent bientôt bons amis ; l’amour s’éveille d’abord dans le cœur de la jeune fille et, chez Richard, beaucoup plus tard seulement, quand il s’est aperçu que M. John est une fille ; mais alors il n’en est que plus violent et passionné. Après plusieurs expéditions, dans lesquelles Dick Shelton déploie un brillant courage, il finit par obtenir Joanna des mains du Roi.

La Baie de Falesa, rappelle, à beaucoup d’égards, le Mariage de Loti. L’action se passe dans une île de l’Océanie, où un Anglais, Willshire, s’est établi pour trafiquer du bois de copra. Case, un nègre qui passe pour sorcier et qui, trafiquant lui-même, craint sa concurrence, l’enjôle et lui fait épouser, par un simulacre de mariage, Ouma, une jeune Indienne, qui, ainsi que toute sa famille, a été déclarée tabou. On devine les conséquences À peine Wiltshire est-il installé avec sa femme dans sa maison, que les indigènes font le vide autour de lui et refusent de rien lui vendre. Il n’a de consolation que dans la tendresse de sa jeune femme sauvage. Survient un missionnaire, le Révérend Tarleton, à qui le traitant mis en quarantaine conte sa mésaventure ; ce dernier promet de l’aider, en lui avouant que le sorcier nègre est un ennemi redoutable. Wiltshire, après avoir fait régulariser par le Révérend son mariage avec Ouma, réussit à se débarrasser de son adversaire, non sans une lutte dans laquelle il est blessé. La mort de Case rompt le charme qui le séparait des indigènes, et il peut, désormais, entreprendre son commerce et le faire avec profit.

Cette idylle océanienne, qui un moment semble tourner au tragique, est très joliment composée : le sorcier nègre forme repoussoir aux figures naïves et affables des Polynésiens ; le traitant anglais, d’abord méfiant et hostile à l’égard des missionnaires, après avoir obtenu le concours de l’un d’eux, finit par leur rendre justice. Quant à Ouma, elle est jolie, gracieuse, tendre jusqu’au sacrifice et fait le digne pendant de la « Rarahu »