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Pays-Bas. Les colorations, savamment graduées, abandonnent les franchises, parfois rudes ou aigres, mais tendres et chaudes, des Primitifs. C’est cet art plus dégagé, assoupli et décoratif, avec de larges brossées de nuances décomposées, qu’on voit de tous côtés apparaître à la fois, en Flandre, en Allemagne, en France, sous la grande poussée d’Italie. On rencontrerait sans surprise, à Blois, autour d’Anne de Bretagne, ces aimables filles que Gérard David put voir autour de Marguerite d’Autriche à Malines. Mêmes toilettes, mêmes tournures, même grâce cultivée.


IV

L’exposition de Bruges contient plus de 400 tableaux. C’est dire qu’autour des artistes illustres dont nous avons parlé se rangent une multitude d’autres peintres, connus ou anonymes, dont l’étude, toujours instructive, n’est guère moins attrayante ou édifiante. Les organisateurs, avec raison, ne s’en sont pas tenus aux maîtres du XVe siècle, aux maîtres purs et rares ; ils ont fait encore une large part à ces artistes de transition, laborieux intermédiaires entre le XVe et le XVIe siècles, entre le moyen âge et la Renaissance, dont les efforts et les talens ont été trop souvent méprisés par les admirateurs exclusifs des écoles souveraines et des formules d’art tranchantes et nettes. Ne serait-il pas bien injuste, pourtant, de jeter plus longtemps la pierre à ces honnêtes artistes, curieux, enthousiastes, voyageurs, chercheurs du mieux et du nouveau, qui, durant tout un siècle, devaient abandonner leurs terres basses et leurs climats froids, pour aller respirer, au-delà des Alpes, un air plus libre sous un ciel plus chaud, dans une atmosphère toute chargée des rêves et des illusions de la vieille humanité, autour des chefs-d’œuvre de l’art, ressuscites ou nés d’hier, ceux de l’antiquité et ceux de l’art nouveau ? Ne sont-ce pas eux qui, par leurs tentatives d’assimilation et de fusion, toujours pénibles, parfois grotesques, mais, en fin de compte, consciencieuses, utiles et fécondes, ont préparé, ont presque réalisé cette seconde et magnifique éclosion des arts flamand et hollandais au XVIIIe siècle ? N’oublions pas que les italianisans septentrionaux du XVIe siècle sont les pères et les grands-pères, légitimes, incontestables, de Rubens et de liais, de Van Dyck et de Rembrandt. Rien ne prouve mieux l’énergie et la vitalité du génie flamand que cette transformation profonde et