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whig ou philanthrope, » juge que la France se tourne trop à la puissance et que le maître qu’elle s’est donné devient trop envahissant, non seulement sur les terres du continent, mais dans l’économie d’État, les métiers, le travail qui produit la richesse. Enfin, vu de près, Bonaparte semble moins facile à renverser qu’on ne le croyait, à distance, sur les rapports des agens. « On parle de partis, de factions, de haines et de jalousies, » — écrit un diplomate, après s’être donné le temps d’observer par lui-même, et fort hostile, d’ailleurs, Markof ; — « mais tout est muet, tout fléchit sous la volonté du maître le plus absolu. » Aucune faction n’est capable de le culbuter, aucun factieux de prendre sa place. « Il est l’homme de la Révolution » et, par là, « le premier homme de France. »


IV

La France est trop forte par ses conquêtes, par ses ressources internes, par son Consul, c’est la conclusion dernière des rapports des diplomates et des notes des voyageurs. Il s’ensuit une jalousie d’autant plus inquiète que rien ne permet d’espérer, comme sous Louis XIV, quelque détente du ressort et détraquement de la machine par le faste de la Cour, l’excès des bâtimens, les prodigalités aux maîtresses ; tout est Etat, tout est puissance, tout est utilité. Que cela dure, — et cela durera si le Consul ne meurt point de quelque mal soudain ou de quelque attentat, — l’Europe est sous le joug, et l’Angleterre menacée de pléthore, d’apoplexie, de concurrence et peut-être de révolution. La république consulaire produit sur les Anglais cet effet inattendu de rapprocher les intérêts nouveaux, ceux de l’industrie urbaine, des intérêts anciens, ceux de la propriété rurale ; et voici que les aristocrates et les oligarques ne s’éliraient pas moins que les négocians et les manufacturiers, de la prospérité et de l’essor de la France.

La classe gouvernante, celle des grands propriétaires, a accaparé les privilèges et les grands emplois attachés à la propriété ; ils s’insinuent à la Chambre des lords, ils dominent aux Communes, ils sont maîtres de l’Etat par le Parlement ; ils administrent par la justice locale, par les pouvoirs locaux. Ils entendent garder leur prépondérance, leurs sièges, leurs terres, dévorer l’Irlande et mener le peuple, patriote et chrétien, par les