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incompétens. Ce que nous en disons n’est d’ailleurs pas pour jeter le discrédit sur la juridiction administrative. Le Conseil d’État, et notamment sa section du contentieux, ont montré à de fréquentes reprises un véritable esprit d’indépendance. Un recours administratif n’est pas condamné d’avance à rester sans résultat. Les principes du droit y seront strictement appliqués, il y a tout lieu de le croire. Mais ces principes ne brillent pas d’une clarté sans ombres, et nous n’en voulons d’autre preuve que les contradictions qui se produisent en ce moment même entre jurisconsultes également distingués. Veut-on un exemple ? Prenons celui des bris de scellés qui ont été si nombreux depuis quelques jours. Comment les choses se passeront-elles à ce sujet ? Nous ne garantissons rien, certes ; mais voici ce qui parait le plus probable.

Les scellés ne peuvent être apposés que dans des conditions limitées et déterminées par la loi, et il n’est pas sûr que toutes ces conditions aient été remplies au cours des derniers incidens. M. Combes, qui a cru d’abord pouvoir fermer les établissemens congréganistes par de simples circulaires et qui s’est aperçu seulement après coup qu’il fallait des décrets, a pu se tromper sur d’autres points. Le Code pénal frappe de peines très graves le bris de scellés, mais, pour encourir ces peines, il faut, bien entendu, que les scellés aient été apposés légalement. La première chose qu’ont donc à faire ceux qui ont brisé des scellés est d’engager la procédure administrative nécessaire pour faire constater l’illégalité de leur apposition. Nous disons la procédure administrative, parce qu’il s’agit d’un acte de l’administration. Que fera le gouvernement ? Le plus sage de sa part sera d’attendre que le tribunal administratif ait prononcé ; mais il peut, s’il le préfère, traduire immédiatement devant les tribunaux correctionnels les auteurs du bris. Que feront alors ces tribunaux ? Ils sursoiront à statuer sur la prévention jusqu’à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la question préjudicielle. Si le Conseil d’État décide que l’apposition des scellés a été légale, il est clair que le tribunal correctionnel ne pourra qu’appliquer aux délinquans l’article 252 du Code pénal ; mais si le Conseil d’État se prononce en sens contraire, il est non moins clair que le tribunal devra acquitter les prévenus. Tout dépend, on le voit, de l’arrêt qui sera rendu par lui. Une autre hypothèse a été examinée, celle où le Conseil d’État se déclarerait lui-même incompétent. Au premier abord, on s’étonne que cela soit possible ; cependant il y a des précédens. Tout le monde a entendu parler, sans savoir au juste de quoi il s’agissait, —