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jour, le public qui le regarde, la presse qui commente ses jugemens, enfin tout ce monde du Palais si honnête, si nombreux, si divers, si curieux, si frondeur, sous les yeux duquel il faut passer sa vie, et dont le mépris serait, à la longue, le plus insupportable des châtimens. » Puisse M. Rousse ne pas se tromper ! Il connaît mieux que nous le milieu dont il parle : nous le connaissons assez pour savoir qu’il offre de très sérieuses garanties. Eh bien ! que tous les citoyens lésés portent leur cause devant les tribunaux. Ils sont légion aujourd’hui. Quel est le nombre exact des écoles que M. Combes a fermées d’une main si brutale ? Est-ce 2 500 comme on l’a dit d’abord ? Est-ce plus ? Est-ce moins ? Quoi qu’il en soit, le chiffre en est considérable, et les espèces ne manquent pas pour permettre aux tribunaux de débrouiller les obscurités de la loi, et à la jurisprudence de se fixer.

Nous ne nous faisons néanmoins aucune illusion sur les difficultés de toutes sortes que les plaignans ne manqueront pas de rencontrer dans le dédale de la procédure. Les journaux sont remplis de consultations bénévoles que leur livrent des hommes de foi et d’énergie comme M. Jules Roche. Des jurisconsultes de premier ordre, M. Sabatier par exemple, ont adhéré à la consultation de M. Roche : il y a donc là, si on nous permet le mot, une première base d’opérations. Dans tous les arrondissemens où leur droit a été violé, les citoyens peuvent s’adresser au tribunal du chef-lieu. Cela fera un très grand nombre d’affaires, et sans doute tous les tribunaux ne se prononceront pas dans le même sens ; mais, de juridiction en juridiction, on parviendra à celle de la cour suprême et le droit pourra être finalement établi. C’est ainsi du moins que les choses devraient se passer : mais est-ce ainsi qu’elles se passeront, et ne faut-il pas s’attendre à ce que l’administration, lorsqu’elle sera mise en cause et aura à se défendre, élève ce qu’on appelle le conflit ? C’est d’un conflit de juridiction que nous voulons parler. Les actes des simples citoyens sont justiciables des tribunaux ordinaires, ceux de l’administration le sont des tribunaux administratifs, et c’est par conséquent le Conseil d’État jugeant au contentieux qui devra se prononcer d’abord dans la plupart des cas, sinon même dans tous. On peut protester contre la juridiction administrative, la déclarer fâcheuse, y voir un débris d’un autre âge en contradiction avec les principes des temps nouveaux ; — et nous n’avons garde de traiter aujourd’hui et de trancher au pied levé des questions aussi considérables ; — quoi qu’il en soit, elle existe ; l’administration ne manquera pas d’en réclamer le bénéfice, et on n’aura pas à presser beaucoup les tribunaux pour qu’ils se déclarent