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cerveau tout entier se trouve préposé. Aux sens artistiques, comme & celui du langage, comme à celui du mouvement, le cerveau doit affecter des régions spéciales. » C’est ainsi que M. Mœbius nous conduit, de proche en proche, à reconnaître la légitimité d’une localisation des sens artistiques, telle que l’entendait jadis la phrénologie de Gall.


Vient ensuite, dans le livre, l’examen détaillé des chapitres consacrés par Gall à ces localisations. Je n’aurai garde de suivre, sur ce terrain, les deux phrénologues : il y faudrait des connaissances techniques qui me manquent tout à fait. Au reste M. Mœbius reconnaît qu’il a eu lui-même, souvent, beaucoup de peine à comprendre de quelles « bosses » du crâne Gall voulait parler. Je puis dire cependant que, dans l’ensemble, il n’est pas éloigné d’adhérer à presque toutes les conclusions du vieux médecin de Pforzheim. Pour ce qui est de la localisation du talent musical, en particulier, j’ai déjà noté comment, d’après lui, les théories de Gall se trouvent confirmées par les plus récentes recherches de la physiologie moderne : ce sens a effectivement son siège dans la seconde circonvolution frontale, et la « bosse » que lui assignent les phrénologues est bien celle qui doit lui revenir. C’est une bosse placée un peu au-dessus de la tempe : Gall la retrouvait dans tous les crânes de musiciens de sa collection, et M. Mœbius nous apprend que nulle part elle n’apparaît avec autant de relief que sur le célèbre masque du visage de Beethoven, exécuté, comme l’on sait, du vivant du maître. Pour le talent de la peinture et des arts plastiques, son signe ne serait pas dans une bosse du front, mais dans la distance entre la racine du nez et le coin intérieur de l’œil. Le talent de la mécanique se reconnaîtrait à une forme particulière du crâne où, à gauche surtout, le front va s’excavant en demi cercle vers la région temporale. Et il y aurait aussi une « bosse » de la poésie, dont les masques et autres portraits de Gœthe nous fournissent un exemple assez saisissant. Mais M. Mœbius ne prétend point que ces bosses doivent nécessairement exister chez tous les artistes, ni surtout que leurs dimensions correspondent aux divers degrés du talent qu’elles indiquent ; c’est dans le cerveau, et non dans l’ossature du crâne, que siègent les facultés de notre âme : mais il affirme que, presque toujours, les régions du crâne indiquées par Gall sont dans le voisinage immédiat des régions du cerveau où semblent devoir résider lus divers sens artistiques.

On devine du reste aisément que, pour M. Mœbius, cette partie descriptive et « pratique » de la phrénologie de Gall n’est pas, à