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toute l’étendue du territoire, et les citoyens qui avaient obtenu le plus de voix étaient proclamés élus jusqu’à concurrence du nombre de députés prévu par la loi.

Le principe est juste, mais le procédé est mauvais, et les difficultés d’application à peu près insurmontables. La balance serait par trop inégale entre un citoyen qui aurait obtenu plusieurs millions de voix, et un autre qui n’en aurait eu que quelques milliers : chaque session se terminerait par un coup d’État.

Mais ce système devient très rationnel, si, au lieu de l’appliquer en bloc à toute la France, on l’applique, en le perfectionnant, à des circonscriptions réduites ; les avantages subsistent et les inconvéniens disparaissent. On établirait ainsi le scrutin uninominal par département, chaque département élisant un nombre maximum de députés, et chaque électeur votant pour un seul candidat.

Deux cas pourraient alors se présenter.

Prenons par exemple un département de 500 000 habitans ayant droit à 5 députés. Il pourrait se faire que la totalité des votes émis se concentrât sur 1, 2, 3 ou 4 candidats : le département n’aurait alors que 1, 2, 3 ou 4 députés, au lieu des 5 réglementaires. Mais, à cela, il n’y aurait aucun inconvénient. L’essentiel n’est pas d’avoir un nombre fixe de députés par département, mais que chaque électeur votant dans le département ait son représentant à la Chambre.

L’autre cas est l’inverse du précédent. Les votes, au lieu de se concentrer sur un petit nombre de personnalités marquantes, se disperseraient à l’infini sur une nuée de candidats, aucun d’eux n’obtenant un nombre de voix suffisant, si bien que pour constituer à ce département une représentation convenable, il faudrait multiplier outre mesure le nombre des députés.

Remarquons d’abord que, si l’objection ainsi présentée paraît grave en théorie, elle l’est beaucoup moins dans la pratique. Il suffit pour s’en convaincre de se reporter à toutes les élections passées. Jamais on ne voit les votes des électeurs s’éparpiller indéfiniment : il est très rare qu’un siégeait plus de trois compétiteurs sérieux.

Cependant, malgré cette réserve, l’objection porterait en partie, et le vote uninominal par département risquerait d’aboutir à une représentation nationale très imparfaite, si l’on ne faisait