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C’est le moment de ceindre non plus la ceinture de cuir, mais l’enveloppe d’ « indifférence scientifique du naturaliste qui observe ; » de dépouiller et de rejeter toute fausse sensibilité, tout romantisme déclamatoire, tout préjugé de classe ou de milieu, d’éducation ou de situation ; de se défendre, avec une vigilance qui s’exerce sur chaque ligne et sur chaque mol, des impulsions aveugles, des insinuations sourdes de l’instinct ou de l’intérêt ; de n’avoir ni complaisance envers les uns ou envers les autres, ni prévention contre les uns ou contre les autres ; de ne point regarder aux personnes, mais seulement, et exclusivement, et impartialement, aux faits. Si ces faits se traduisent souvent par des chiffres, et s’il en résulte quelque aridité, on voudra bien nous la pardonner cependant, en considération de ce qu’il n’y a rien, sans doute, d’aussi « brutal » qu’un chiffre, mais rien non plus d’aussi « scientifiquement indifférent, » lorsque, comme nous nous y obligerons toujours, on les cite, on ne les sollicite pas.


I

Après la répartition des ouvriers par spécialités, — entre quarante-quatre ou quarante-cinq catégories, tant du fond que du jour, pour les ouvriers des mines de houille, — il importe de connaître leur répartition par âge ; et que de choses nous y pourrons apprendre ; que de conséquences, que de conclusions nous en pourrons tirer, non seulement statistiques ou philosophiques, non seulement sociologiques, mais politiques, et de la politique la plus positive, c’est-à-dire législative !

Retournons d’abord à la mine du Pas-de-Calais qui nous a servi de principal exemple. Elle occupe en tout un peu plus de 5 500 ouvriers (exactement 5 647 au commencement de l’hiver dernier). Les enfans y entrent dès que la loi le permet, dès qu’ils ont satisfait à l’obligation scolaire, à treize ans ; les hommes y demeurent, s’ils le veulent, jusqu’à ce que la vieillesse soit venue, jusqu’à ce que la force s’en soit allée, sans limite d’âge. De treize ans à quinze ans, s’opère le recrutement : c’est comme la première conscription du mineur ; sur les 5 647 ouvriers recensés, on compte 370 de ces pupilles ou enfans de troupe. De quinze à vingt ans, la proportion s’accroît rapidement : elle atteint presque le cinquième de l’effectif (1 051 sur 5 647). Puis arrive le service militaire, et naturellement, de vingt à