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les demi-savans, en opposition avec la morale, la science naturelle nous montre donc déjà, jusque chez les plus humbles animaux, les premiers linéamens de cette solidarité qui deviendra, chez l’homme, moralité consciente et volontaire.


Un concours, un concert, telle est en moi la vie.
Il est beau de sentir, dans l’immense harmonie,
Les êtres étonnés frémir à l’unisson,
Comme on voit s’agiter dans un même rayon
Des atomes dorés par la même lumière.
Je ne m’appartiens pas, car chaque être n’est rien
Sans tous, rien par lui seul, mais la nature entière
Résonne dans chaque être, et sur son vaste sein
Nous sommes tous unis, égaux et solidaires.
Je crois sentir la rose éclore dans mon cœur,
Avec le papillon, je crois baiser la fleur.
Il n’est peut-être pas de peines solitaires,
D’égoïstes plaisirs, — tout se lie et se tient.
La peine et le plaisir courent d’un être à l’autre,
Et le vôtre est le mien, et le mien est le vôtre,
Et je veux que le vôtre à vous tous soit le mien ;
Que mon bonheur soit fait avec celui du monde
Et que je porte enfin dans mon cœur dilaté,
— En dût-il se briser, — toute l’humanité[1] !


ALFRED FOUILLEE.

  1. Guyau, Vers d’un philosophe, la Solidarité. Paris, 1884 ; Alcan.