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diplomatie, et, avant tout, dans nos mesures militaires et maritimes ; que Bonaparte sache bien que l’Angleterre ne souffrira ni outrage ni offense, c’est-à-dire rien qui puisse directement ni indirectement nuire à sa dignité, à son honneur, à sa sûreté, à sa véritable grandeur. » Comme Malmesbury lui demandait de définir ces expressions, il reprit : « L’inertie et l’infamie des grandes cours européennes ne nous permettent pas de nous opposer aux tentatives d’agrandissement de Bonaparte sur le continent, mais toute tentative de contestation, d’empiétement, toute entreprise contre nos intérêts commerciaux ou coloniaux, directs ou indirects, comme une usurpation de la Hollande, de la République cisalpine, comme une attaque contre l’Amérique espagnole, devrait provoquer de notre part une résistance immédiate, et être considérée comme une cause véritable de guerre. Quelques années de paix, ajouta-t-il, suffiraient à mettre l’Angleterre en état de poursuivre la guerre beaucoup d’années, et, durant ce temps, on peut espérer que plusieurs des grandes puissances continentales auront assez le sentiment de leur honneur et de leur intérêt pour nous prêter l’aide qui nous manque en ce moment. »

Que « l’opinion fût à la paix, » c’était l’euphémisme officiel d’un homme d’Etat qui parle toujours en homme au gouvernement, même éloigné du pouvoir. Le fait est que Pitt s’en rapprochait chaque jour. La réaction contre la paix le portait. Malgré le désordre de ses affaires, on parlait de l’imposer à la couronne, comme le seul homme en état de sauver le pays, disait, avec ironie, Sheridan. Les débats du parlement sur le traité tournèrent à la réhabilitation de la guerre et à l’apologie de Pitt[1]. Ses amis opposèrent son inflexible hauteur à la condescendance pusillanime de ses successeurs ; et quel prix obtenaient-ils de cette condescendance ? « Nous avons, s’écria Grenville, confirmé à la France la possession de l’Italie et la domination du continent ! » Il montre « les périls qui résultent du traité, les moyens de salut qui restent : les ministres n’ont rien fait pour affaiblir la France sur le continent ; ils lui fournissent les moyens de ruiner nos colonies. Cette paix est plus désavantageuse que la guerre. » Il réclame « l’établissement d’un pied de guerre proportionné au danger que court la patrie. » Nous

  1. 29 avril — 13 mai 1802.