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la Suisse, le Piémont ! il existait, sans doute des articles secrets ? « Malheureusement, lui répondit Cornwallis, la situation de l’Angleterre se trouvait telle, à ne pouvoir s’occuper des affaires du continent, quoiqu’elle y eût sans doute un très grand intérêt ; on ne pouvait plus différer de faire la paix, l’Angleterre se trouvant seule en guerre avec la France ; il était inutile de plaider la cause du roi de Sardaigne, la France ayant résolu irrévocablement de conserver le Piémont. » Mais, objecta Cobenzl, les Français, maîtres du Piémont et maintenant une armée dans la Cisalpine, demeureront maîtres du royaume de Naples et de toute l’Italie. « Je le sens fort bien, répondit Cornwallis ; mais comment l’empêcher ? Nous ne pouvons rien sur le continent[1]. « Je demandais à lord Cornwallis, écrivait Markof, s’il avait des ordres pour agir en faveur du roi de Sardaigne. Il m’a dit qu’il en avait, mais qui lui prescrivaient une très grande circonspection[2]. » Il en fut parlé dans un entretien que le Premier Consul eut avec Cornwallis ; il fut parlé aussi de l’Inde. Bonaparte montra son intention de traiter avec quelque nabab pour la cession d’un territoire autour de Pondichéry. Il n’y a point, répondit Cornwallis, de nabab avec lequel la France puisse traiter, et l’affaire n’aurait d’autre effet qui ; de brouiller les deux nations. « Vous êtes bien dur, » répliqua Bonaparte. Quant au Piémont, il ne laissa aucune espérance : ce pays servirait à l’agrandissement de la République française. Cet entretien eut lieu le 28 novembre. Les plénipotentiaires avaient tenu une conférence préliminaire le 24. La négociation fut transportée à Amiens.


II

Les pouvoirs furent échangés les 3 et 4 décembre. Les conférences commencèrent le 5. Schimmelpenninck, qui devait négocier la paix de la Hollande, s’y était rendu, mais il soulevait des difficultés préjudicielles. Azara, qui devait négocier pour l’Espagne, se faisait attendre, et Cornwallis s’en plaignit. Bonaparte n’entendait point s’arrêter aux réclamations de ces alliés de la République. Il fit inviter Schimmelpenninck à « déclarer par un acte formel que son gouvernement accède aux préliminaires ; » quant à l’Espagne, « la paix y a été publiée ; » la

  1. Rapport de Cobenzl, 21 novembre 1801. Boulay de la Meurthe.
  2. Rapport de Markof, 13 novembre 1802.