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de les en empêcher. Les préliminaires portaient que l’île serait évacuée par les troupes anglaises et restituée à l’Ordre, sous la garantie d’une grande puissance. Bonaparte trouvait la Russie trop éloignée, l’Autriche dangereuse, il proposa l’Espagne, et, de préférence, encore Naples, mieux placée et plus facilement sous ses prises. Il aurait désiré « quelques clauses relatives à l’Inde et qui pussent y assurer toute la jouissance des établissemens rendus, la faculté de les fortifier et une liberté raisonnable de navigation et de commerce, » c’est-à-dire, au lieu des comptoirs indigens et précaires que restituait l’Angleterre, une banlieue assez étendue pour y former des villes, s’y retrancher et ouvrir des avenues. Quelques arrangemens aussi pour Terre-Neuve, meilleurs que ceux de 1783. Pour l’ensemble, un trait de plume devait suffire : reprendre les préliminaires, et « mettre au présent ce qui est au futur. » « Quant à la prétention qu’on peut supposer au gouvernement britannique, de vouloir ramener dans la discussion ce qui concerne le roi de Sardaigne, l’établissement des Français à Flessingue, la navigation de l’Escaut, l’entretien d’un certain nombre de troupes françaises dans les républiques batave, cisalpine, etc, enfin de chercher à y renouer quelque liaison avec les affaires d’Allemagne, ce sont encore des points sur lesquels il faut attendre, en se préparant cependant à repousser, à cet égard, toute discussion et toute insertion au traité. »

Ces instructions furent adressées à Joseph le 15 novembre 1801. Le 20, Talleyrand lui répéta : « Vous regarderez comme positif que le gouvernement ne veut entendre parler ni du roi de Sardaigne, ni du Stathouder, ni de ce qui concerne les affaires intérieures de la Batavie, celles de l’Allemagne, de l’Helvétie et des républiques d’Italie. Tous ces objets sont absolument étrangers à nos discussions avec l’Angleterre. »

Ni les Anglais, ni personne, parmi les diplomates, ne conservait sur ces chapitres la moindre illusion. « Vous me parlez du roi de Sardaigne, écrivait Kotchoubey à Woronzof, à Londres ; mais que pouvons-nous faire pour lui ?… Si le gouvernement français ne nous écoute point, il faudra en passer par là. » C’est la note que donna le plénipotentiaire anglais, lord Cornwallis, dès son arrivée à Paris.

Philippe Cobenzl, l’ambassadeur d’Autriche, s’étonnait des singulières prétentions des préliminaires : l’Italie, la Hollande,