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abritent la ponte et les larves du cousin. Les citernes mal closes, les tonneaux d’arrosage des jardins, les seaux et les débris de tuyaux ou d’ustensiles quelconques, les gouttières des toits, les caniveaux, fournissent son habitat de choix. On a peine à croire que des flaques si minuscules puissent suffire à infester de moustiques tout leur voisinage. C’est cependant l’exacte vérité. On a compté les individus à l’état d’œufs, de larves et de nymphes, qui se trouvaient dans un simple tonneau d’eau de pluie, et l’on en a trouvé une fois 17 000 et une autre fois 19 000. On s’explique facilement le résultat si l’on prend en considération la rapidité des générations et la fécondité des moustiques. Si l’on compte, avec Ficalbi, deux jours pour l’incubation de l’œuf, une douzaine de jours pour l’état de larve, deux ou trois jours pour l’état de nymphe, et que l’on assigne à la vie de l’insecte parfait une durée d’une quinzaine de jours, on voit que le cycle complet d’une génération de culex n’exige guère plus d’un mois. En admettant qu’il y ait, dans une année, une succession de quatre générations et que chaque femelle ponde 200 œufs, — ce qui est sensible" ment exact pour le cousin ordinaire ou culex pipiens, dans nos climats, — M. R. Blanchard a calculé qu’un seul individu pourrait donner naissance annuellement à 200 millions d’individus nouveaux.

Il faut beaucoup de soins, de propreté, de surveillance pour débarrasser des cousins les lieux habités. Les maisons et leurs dépendances doivent être parfaitement entretenues, les cheneaux visités, l’écoulement des eaux partout assuré. Le paludisme, comme les moustiques aphodèles, aime les habitations mal tenues, les cultures abandonnées, les ruines des travaux d’art et des aqueducs, l’état, en un mot, de la Campagne Romaine.

Il y a des villes qui sont envahies dans leur totalité et dont la population souffre beaucoup des moustiques. En Italie, Livourne et Pise, Mantoue et surtout Venise, Brindisi et Bara, Messine et Catane sont particulièrement tourmentées.

Le mal sévit d’ailleurs, plus ou moins violemment, sur toutes les parties basses du littoral méditerranéen. Il est ancien, puisque, au dire de Pausanias, il contraignit les habitans de quelques cités grecques, telles que Miontè en Ionie, de fuir et d’abandonner leurs pénates.

Lorsque, au lieu du cousin ordinaire, on a affaire à l’Anophèles du paludisme, ou au Stegomyia fasciata de la fièvre jaune, l’invasion des moustiques prend les caractères d’une véritable calamité. On a donc été contraint d’entreprendre la lutte et d’essayer la destruction systématique de ces insectes. C’est ce qui a eu lieu à Cuba, à Hong-Kong et