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gaine pour les deux canaux aériens, les deux grosses trachées par où pénètre l’air destiné à la respiration de chaque moitié du corps. La position de l’extrémité caudale, à l’air, est donc favorable à l’entretien de la respiration de l’animal. La position inverse de la tête en bas, dans l’eau, est favorable à son alimentation : l’insecte se nourrit, en effet, des particules nutritives qui tombent sans cesse des couches supérieures : les appendices, qui entourent la bouche, toujours en mouvement, amènent ces particules dans la cavité buccale.

Cette larve sédentaire ne change de place que bien rarement, lorsque la pitance se fait rare ou, plus habituellement, lorsqu’elle est inquiétée par quelque bruit ou menacée par quelque danger. Elle nage alors vers le fond, d’un mouvement assez lent, bien étudié par M. Lécaillon, et regagne la surface dès que l’alerte est passée et que les eaux sont redevenues tranquilles.

L’animal, n’utilisant qu’une couche superficielle extrêmement mince, n’a pas besoin d’une eau profonde. Loin de là, celle-ci n’aurait que des inconvéniens pour lui : elle donnerait abri à une multitude d’espèces aquatiques carnassières dont l’insecte courrait chance de devenir la proie. Ni eaux courantes ni eaux profondes, telle est la formule du milieu qui se prête au développement des culicidés. Dans les villes où abondent les moustiques, ce n’est point sur les berges des fleuves ou des rivières qui les traversent que l’on rencontre ces insectes : l’agitation de l’eau, due à la violence du courant ou à la circulation des bateaux, n’y permet pas l’existence régulière des larves ou des nymphes. Ils occupent de préférence les parties de la ville où se trouvent des jardins, des citernes, des puisards, des réservoirs d’usine. De même, a-t-on constaté que les bateaux qui suivent, dans la partie profonde de leur lit, des fleuves très larges comme l’Amazone ou le Mississipi, en Amérique, ou le bas Danube, en Europe, les voyageurs ne sont assaillis ni par les moustiques, ni par les fièvres. Au contraire, si les voyageurs s’approchent des rives aux eaux basses et tranquilles, au fond couvert par les roseaux, ils sont harcelés par les insectes ou exposés aux fièvres.

La destruction des moustiques dans ces immenses étendues serait une entreprise irréalisable et bien au-dessus des ressources humaines. C’est une œuvre de longue haleine, qui ne sera réalisée qu’en corrigeant le régime du sol au moyen du drainage, de l’endiguement des cours d’eau et du dessèchement des marais.

Au contraire, l’opération de la destruction est possible dans les lieux habités. Là, en effet, ce sont de petites collections d’eau qui