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M. Raphaël Blanchard, dans l’Instruction aux médecins, naturalistes et voyageurs qu’il a rédigée au nom de la commission du Paludisme de l’Académie de médecine, donne une liste nominative de 272 espèces connues. Et encore, l’énumération de ces insectes n’est-elle pas complète. A mesure que l’on met plus de soin à les rechercher, on en découvre chaque jour de nouveaux. L’expédition anglaise de l’Afrique orientale, pour sa part, en a rapporté trente-six espèces qui n’avaient pas encore été décrites. Elles viennent d’être déterminées par M. Théobald.

Mais le nombre des espèces importe peu. Tous ces insectes sont, en définitive, très semblables. Ils forment une famille très homogène dans l’ordre des diptères : celle des culicidés. On les trouve, pareils, dans toutes les régions du globe, sous toutes les latitudes, au moins pendant la saison chaude. Sous les noms divers de cousins, moustiques, maringouins, mosquitos, gnats, etc., leur aspect est familier à tout le monde. Il n’est personne qui ne connaisse la silhouette de ces petits insectes, aux ailes minces et diaphanes, au corps grêle et délicat, portant, comme celui d’un échassier, sur de longues pattes filiformes, lorsque l’animal se repose de son vol. Ces membres qui servent à le supporter ne lui permettent pas la marche. Il ne s’en sert que pour se soutenir sur le sol, pour s’attacher aux parois verticales, aux murs ou aux vitres, ou encore pour se suspendre aux plafonds des chambres.

On ne peut guère saisir ces insectes menus sans risquer de les écraser : leurs pattes et leurs antennes sont particulièrement fragiles, leurs ailes sont plus résistantes, et c’est en les saisissant par là, au moyen d’une pince fine, que les entomologistes arrivent à les manier.

Pour établir le rôle des moustiques dans la transmission du paludisme ou de la fièvre jaune, il a fallu s’emparer de ces animaux à l’état vivant, les élever en captivité, régler leur régime, faire sur eux mille expériences. On a donc appris à les capturer sans les toucher, en appliquant sur la surface où ils reposent l’embouchure d’un petit tube, au fond duquel ils ne tardent pas à se réfugier et que l’on bouche alors prestement. L’opération est plus facile lorsque ces animaux sont engourdis par la fraîcheur du matin ou aveuglés par la clarté du jour. La plupart, en effet, fuient la lumière et particulièrement la lumière blanche, jaune ou rouge : ils sont crépusculaires ou nocturnes, se tenant cachés tant que le soleil est au-dessus de l’horizon, et ne sortant de leurs retraites et de leurs abris qu’à la nuit tombante. —