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pas moins, dans beaucoup de régions, de véritables foyers d’infection palustre. La Corse est, à cet égard, dans une situation grave. La côte orientale de l’Ile, couverte d’étangs et de marais sur une longueur de plus de 100 kilomètres, est d’une insalubrité telle que les habitans sont obligés de fuir pendant l’été et de chercher, eux et leurs bestiaux, un refuge dans la montagne. C’est un exode périodique qui dure pendant toute la saison des fièvres, c’est-à-dire aussi longtemps que les moustiques règnent en maîtres dans ces plaines malsaines. Les paysans ne descendent que pour faire hâtivement la moisson et la vendange dans les parties encore soumises à la culture. Mais celles-ci sont relativement rares, malgré la fertilité du sol. Des maquis incultes s’étendent à perte de vue, dans ces campagnes qui jadis, au temps de la colonisation romaine, étaient salubres, cultivées et prospères. Ces temps heureux peuvent revenir : il n’est pas déraisonnable d’en espérer le retour. Les connaissances relatives à l’évolution de l’hématozoaire du paludisme et au rôle des moustiques permettent de considérer comme accidentelle et susceptible de modification, c’est-à-dire réparable, en un mot, la situation misérable d’aujourd’hui.

En dehors de l’espoir d’une amélioration si importante de l’hygiène générale et de la santé publique, qu’autorisent ces découvertes et ces doctrines nouvelles et que légitiment les premiers essais faits en Italie et en Amérique, il y a pour l’homme de science, pour le zoologiste en particulier, un autre intérêt engagé dans la question, celui-là purement idéal et théorique. L’histoire naturelle n’est pas sans avoir tiré un large profit de toutes ces études entreprises dans un but d’étiologie médicale. On a recueilli les moustiques de toute espèce, on a observé plus attentivement leurs mœurs, leurs habitudes, leur organisation. L’entomologie a profité, à cet égard, des travaux récens de MM. Ficalbi, Giles, Grassi, G. Noé, R. Uoss, F. Skuse, Wright. Annelt, Everett Dutton, Théobald, Lecaillon, et d’autres encore. C’est une maxime de sagesse banale, qu’il faut bien connaître l’ennemi que l’on veut efficacement combattre. Il n’est donc pas inutile de commencer par l’exposé de nos acquisitions plus ou moins récentes sur l’histoire naturelle des moustiques le récit des efforts accomplis pour les détruire ou les rendre inoffensifs.


I

Il existe un grand nombre d’espèces de cousins ou moustiques. La monographie de Giles, parue à Londres en 1900, en mentionne 222.