Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 10.djvu/703

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contribué plus qu’aucun autre fléau à faire des contrées tropicales une espèce de gouffre où vont s’engloutir des générations incessamment renouvelées d’hommes blancs. Ils sont eux-mêmes l’un des grands fléaux de l’humanité. La lutte contre les moustiques offre donc un intérêt de premier ordre. Elle se présente comme l’une des faces de la lutte engagée contre les maladies elles-mêmes dont ils sont les propagateurs.

Tant que l’on a ignoré la nature parasitaire, animale ou microbienne de ces affections, et leur transmission par les moustiques, on a été désarmé vis-à-vis d’elles. On a dû les subir comme une fatalité inéluctable résultant de l’action de forces naturelles irrésistibles. La tactique médicale se réduisait à fuir, à l’aveugle, les chances de rencontre avec un ennemi dont on ne savait rien, ni la nature, ni l’habitat : ou bien encore, on essayait, par des médications plus ou moins efficaces, d’en restreindre les ravages. La découverte de l’agent infectant, hématozoaire du paludisme, filaire de l’hématurie, bacille de la fièvre jaune, et la connaissance de la complicité de son auxiliaire le moustique, ont changé les conditions et, l’on peut dire déjà, les chances de la lutte. On sait où frapper. On sait qu’il faut atteindre le parasite ou le moustique, l’agent de contamination ou celui de transmission. Et, si difficile que soit cette tâche, nous allons voir, précisément à propos de l’une de ces affections, le paludisme, qu’elle n’est pas au-dessus des ressources de la science. Les résultats obtenus dans l’une des régions malsaines de la Campagne romaine par le médecin et naturaliste italien Grassi sont tout à fait encourageans. Plus satisfaisans encore auraient été les efforts tentés pour extirper la fièvre jaune de l’île de Cuba.

On ne saurait exagérer l’importance de ces faits. On entrevoit dès à présent, comme une tâche réalisable, l’assainissement d’une multitude de contrées aujourd’hui ravagées par l’endémie palustre. En Europe seulement, quel service ne serait-ce pas que d’arracher à la cachexie qui les mine les populations des terres basses du Danube, de l’Italie centrale, de la Campagne romaine, de l’île de Sardaigne et des Calabres ?

La France elle-même n’est pas à l’abri des affections malariques. Malgré les travaux d’assèchement qui ont été poursuivis depuis plus d’un demi-siècle dans les plaines onduleuses de la Sologne et dans la région des Dombes, où l’on n’a cessé de percer des puits, d’endiguer les cours d’eau, de vider les étangs insalubres et de restituer à la culture une grande étendue de terres autrefois inondées, il ne subsiste,