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pourrait l’être aussi de l’Imitation. En son œuvre, c’est tantôt le fidèle qui parle, et tantôt le maître ; désormais, entre Jésus et rame, les mystiques entretiens sont commencés.


IV

Schütz meurt en 1672. En 1674, Carissimi le suit. Et, moins de quinze ans plus tard, dans la même année 1685, à quatre semaines d’intervalle, Hændel et Bach naissent en Allemagne. Il semble que leur commune patrie n’était pas de taille à les contenir ensemble, et c’est pour cela peut-être que Hændel, Allemand de race, vécut et mourut Anglais.

On peut douter si les deux géans se ressemblent ou diffèrent davantage. On les a même parfois l’un à l’autre égalés, et Matheson proposait de ne les ranger que par ordre alphabétique. En tout cas, leur double génie est fondé sur une base commune, — je parle de la practical basis (comme disent nos confrères anglais), — qui, depuis Schütz et Carissimi, s’est étrangement élargie et assurée. Polyphonie et mélodie même, harmonie, orchestre, tous les élémens de la musique se sont accrus et fortifiés ; issue autrefois des vieux artifices canoniques, la fugue est maintenant arrivée à la plénitude de son être et devient, chez Hændel et Bach, l’organe essentiel et prodigieux de cent chefs-d’œuvre sacrés.

S’il fallait en deux mots définir et comparer le génie de Hændel et celui de Bach, on serait tenté de dire que l’un se développe davantage en étendue, l’autre plutôt en profondeur. Et de l’un et de l’autre assurément cela ne dirait pas tout et pourrait même, en certains endroits, être contredit. L’Allegro e Pensieroso de Hændel renferme plus d’une page rêveuse et par où le dernier mot de ce double titre se justifie. Je sais, dans l’oratorio de Samson, telle cantilène de Dalila, que fait étrange et troublante un mélange de repentir hypocrite et de perfide amour. De telles exceptions prouvent que, Hændel étant parmi les génies souverains, presque rien ne lui manque tout à fait et que ce grand maître de la clarté, de l’évidence, a quelquefois soupçonné le charme de l’ombre et du mystère.

Mais il n’a fait que le soupçonner. Le principal trait de sa musique, c’est la projection au dehors, c’est l’expansion et le déploiement au grand jour. On rapporte que Hændel avait dans