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la moindre convulsion, au milieu des chants et des prières des assistans[1]. »

Son œuvre est considérable : elle remplit seize volumes. Sauf l’opéra de Dafne (sur le texte de Rinuccini), qui passe pour le premier opéra allemand, elle est presque tout entière sacrée. Elle comprend, sinon des cantates ou des oratorios proprement dits, au moins des compositions du même genre : Psaumes, Cantiones ou Symphoniæ sacræ, Petits Concerts spirituels et plusieurs Passions.

Le style de Schütz, ainsi que celui de Carissimi, se compose harmonieusement d’élémens divers. L’art ne s’enferme plus alors dans une forme unique : polyphonie pure ou récitatif. Aux chefs-d’œuvre de Schütz l’orchestre a naturellement peu de part encore. L’importance du verbe y est plus grande. Schütz n’est pas de ceux qui laissent la musique « mener beau bruit, aille de la parole selon qu’il plaît à Dieu. » Il exige des chanteurs, avant tout, « qu’ils articulent distinctement, sans hâte, d’une voix claire. Pour le récitatif en particulier, il lui faut un débit aisé, sans contrainte de la mesure, asservi au seul rythme naturel d’un discours bien déclamé. Schütz ne se lasse pas de le redire et son insistance à prévenir toute confusion dans l’émission des paroles est bien naturelle puisque, pour le style récitatif qu’il importe en son pays, la traduction du mot, de la lettre, est le premier devoir du compositeur[2]. » Il recherche même, avec l’ingéniosité, pour ne pas dire la puérilité commune alors, l’imitation littéraire et littérale. Ce n’est point « par hasard que, dans l’Histoire de la Résurrection, Schütz nous peint la fuite de Marie-Madeleine sur un motif précipité, et c’est à bon escient que plus loin, après le solennel : Paix avec vous ! de Jésus aux apôtres, le compositeur anime le chant sur ces mots : « Comme mon père m’a envoyé, » l’accélérant encore lorsque le sens des paroles atteint plus de réalité objective, en cette proposition : « Je vous envoie[3]. »

Mais la beauté verbale est souvent chez lui beaucoup plus sérieuse et profonde. Qui donc a prétendu que la langue allemande est impropre à la musique ? Apparemment des gens qui la connaissent mal ou peut-être même ne l’entendent pas. Elle

  1. Cité par M. A. Pirro.
  2. Id., ibid.
  3. Id., ibid.