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congrégations, et la parole plus vigoureuse encore dont il l’a appuyé, ont rompu la glace qui commençait à se former entre l’extrême gauche et lui. La majorité a reconnu son homme.

On a pu voir par ce premier combat que, toutes les fois qu’il ferait appel à l’anticléricalisme de la Chambre, — et nous prenons ce mot dans sa plus mauvaise acception, — le ministère aurait la majorité. Il peut évidemment aller très loin dans cette voie ; il y sera suivi. Nous craignons même qu’on ne l’y pousse, et qu’il ne se laisse entraîner plus loin qu’il n’a l’intention d’aller. Peut-être M. Combes n’est-il pas naturellement sectaire. Mais c’est une grande tentation pour un gouvernement qui se sent faible, de reformer ses troupes autour d’un drapeau quelconque, et le drapeau est tout trouvé. Que de difficultés ne peut-on pas supprimer en promettant d’appliquer avec fermeté la loi du 1er juillet 1901, et en se livrant à quelques exécutions plus ou moins brutales ! On ne peut cependant pas les supprimer toutes. La question financière pèsera lourdement sur le Cabinet, et c’est au moment où il devra l’aborder que commenceront ses embarras véritables.

M. Combes l’a d’ailleurs compris : c’est pour cela qu’il a sollicité le concours de M. Rouvier, qui n’était pas son ami politique, mais dont il sentait avoir besoin. M. Rouvier est entré au ministère tel qu’il était. On l’a pris parce qu’il inspirait confiance au monde financier ; mais comme il inspirait cette confiance à cause de ses idées, on peut croire qu’il n’y a pas renoncé. Or, ses idées diffèrent essentiellement de celles de certains autres ministres sur plusieurs questions importantes, au premier rang desquelles il faut placer l’impôt sur le revenu. Ayant été plusieurs fois ministre des Finances, il a présenté son projet d’impôt sur le revenu tout comme un autre ; seulement ce projet ne ressemblait en rien à celui qui sourit, par exemple, à l’imagination de M. Pelletan. Aussi son entrée dans le ministère a-t-elle été une sorte de démenti donné à tant de promesses difficiles à tenir, peut-être irréalisables, en tout cas très inopportunes à un moment où le budget est en déficit, où les ressources du Trésor sont épuisées, et où, pour subvenir en partie aux embarras de l’heure présente, M. le ministre des Finances a déposé un projet de conversion. Ce projet a été voté par les deux Chambres en vingt-quatre heures. Il convertit le 3 et demi en 3 pour 100, et nous espérons que l’opération répondra aux espérances qu’on a mises en elle : elle est d’ailleurs fort bien conçue. Notre situation financière s’en trouvera un peu allégée ; mais il est à craindre que les causes du mal n’en persistent pas moins et