Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 10.djvu/447

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pourrai-je continuer à agir ainsi ? car je vous dirai qu’un jeune homme n’est regardé, dans la société, qu’autant qu’il joue. Je vous promets, toutefois, que vous serez la première obéie et que toujours je vous considérerai comme mon gouvernail.

« Je vais le plus souvent possible chez M. d’Arjuzon, mais, les jours où je suis seul, je passe ma soirée au spectacle, ce qui, avec le dîner, me revient à 9 ou 10 livres ; sans cela, livré à moi-même, je risquerais beaucoup de m’ennuyer et, vous le savez, l’ennui et la paresse causent quelquefois de bien grands maux :...

« A Louÿe, je n’ai pas touché une seule carte, M. d’Arjuzon ne l’eût pas souffert : me reprocherez-vous d’avoir, à la chasse, gagné quelques paris que je reperdais au billard, le soir, avec ces messieurs ?

« Pour être tout à fait franc, je conviendrai qu’à notre retour de la campagne, pour ne pas nous quitter brusquement, nous avons fait chacun à notre tour, avec M. d’Arjuzon fils et ses amis, plusieurs déjeuners à sept ou huit louis au moins, mais cela n’a duré que peu de temps à cause des occupations des uns et des autres. Tante Mimi, ne grondez pas, c’est fini, je ne perse plus qu’au bonheur de me débarrasser bientôt de toutes les vieilles perruques que j’ai sur le dos, et à aller vous rejoindre au pays où je vous entourerai de mes soins et de mon affection reconnaissante. »

La suite de la correspondance est consacrée presque entièrement aux nouvelles politiques : les événemens se précipitent, on sent que la Révolution est proche.


« 23 avril 1789. — De tous côtés les députés arrivent à Paris, calmez vos craintes, car il ne peut résulter qu’un grand bien de l’assemblée des États-Généraux. »


« 4 juillet. — Le roy tint sa séance royale, le 22 juin, et par la en maître, il annula les décisions prises par les États, voulut maintenir la séparation des Trois-Ordres et sortit en ordonnant à ceux-ci de se retirer dans leurs salles respectives. Les deux premiers obéirent, mais les députés du Tiers s’y refusèrent, malgré les injonctions réitérées qui leur furent faites. Ils délibérèrent entre eux, dressèrent un procès-verbal déclarant traîtres à la Patrie ceux qui se diviseraient, et proclamant l’inviolabilité de leurs personnes.