Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 10.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout, et des fautes commises la veille de la bataille, et de celles commises le jour même, en particulier de I inaction du Duc de Bourgogne, qui se serait retranché au lieu de charger, tout en s’écriant : « Que dira M. de Vendôme ? » et il terminait ainsi : « Je ne pou vois pas croire que cinquante bataillons et près de cent vingt escadrons des meilleurs de cette armée, se contenteroient de nous voir combattre pendant six heures, et regarderoiont cela comme on regarde l’Opéra des troisièmes loges. Mgr le Duc de Bourgogne me rendra justice, et il est convenu avec moi qu’il avoit tort de n’avoir pas suivi son premier mouvement et de s’être rendu à de mauvais conseils... Si les affaires vont bien, comme je l’espère, toute la gloire sera pour le Duc de Bourgogne, mais si, par hasard, elles alloient mal, je supplie Votre Majesté de ne pas m’en donner tout le blâme, puisqu’elle voit bien que mes sentimens ne sont pas toujours suivis. »

Le même jour, par le même courrier, il adressait à Chamillart une lettre où il s’exprimait avec plus de vivacité encore, et où il semblait mettre en doute jusqu’au courage personnel du Duc de Bourgogne : « Il y a des gens, lui écrivait-il, qui ne songent jamais qu’à s’éloigner de l’ennemi, et croyent par là se mettre en sûreté, et il arrive souvent que plus on est près, plus on est éloigné de combattre. M. le Duc de Bourgogne a eu jusqu’à présent plus de confiance aux autres qu’à moy. Vous voyez bien, Monsieur, qu’il ne seroit pas juste de s’en prendre à moy. Lorsque j’ay été en Italie, on se décidoit comme je voulois. Vous avez vu comme les affaires ont été. Elles eussent été de mesme icy, si j’avois été le maistre. »

Le Duc de Bourgogne, quelles que fussent sa modération et son humilité habituelles, ne se laissait cependant pas attaquer sans essayer de se défendre. Il faisait appel aux personnes sur lesquelles il savait pouvoir compter, c’est-à-dire à la Duchesse de Bourgogne, à Mme de Maintenon et à Beauvilliers. Ses lettres à la Duchesse de Bourgogne ont été malheureusement perdues, mais nous avons celles qu’il écrivait à Mme de Maintenon et à Beauvilliers.

C’était à Mme de Maintenon qu’il s’adressait tout d’abord, comme à l’influence toute-puissante sur l’esprit du Roi. Il lui écrivait, deux jours après la bataille, du camp de Lovendeghem, où l’armée française était venue chercher un abri, derrière le