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manœuvré sous ce rapport, puisque, sur 4 000 livres, il me reste encore 9 sols !

« Ah ! il aurait fallu que vous vissiez comment je les menais tous, comment j’étais obéi et comme je savais faire l’homme d’importance ! Heureusement, j’ai tout bien combiné et contenté tout le monde sans, de mon côté, être dupe de personne. Quant à M. le Principal, il ne cessait de faire mon éloge à tout venant, et il m’a remercié plus de cent fois.

« J’avais bien droit à un petit dédommagement pour toutes mes peines, n’est-il pas vrai ? aussi, sans rien dire à personne, je m’emparai d’une bouteille de vin blanc et d’un beau poulet que je mangeai froid, le lendemain, sans faire le difficile, et bien bon je le trouvai... »

A la Saint-Martin (11 novembre), le jeune d’Etchegoyen prit sa première inscription de droit et se mit à piocher les Institutes de Justinien : « Nous travaillons comme des massacres à des choses très abstraites et qui demandent beaucoup de capacité ; quoiqu’il ne faille pas tant d’esprit pour vivre à Dax, je ne veux pas qu’on puisse dire que je suis une pauvre tête et qu’on se moque de moi. « Je fus souper, mardi dernier, en Sorbonne, j’y soutins une sorte de thèse soi-disant contre la religion, j’argumentai beaucoup pour m’instruire, car je ne veux rien croire en aveugle, et j’eus grand plaisir à voir mes preuves confondues ; je ne devrais pas dire « mes preuves, » ce sont plutôt celles des sectes qui se sont élevées contre la religion.

« A ce propos, vous apprendrai-je qu’il n’y a pas de sorginas[1] ? je vous le prouverai très facilement. Je sais que je ne vous ferai pas ma cour par ce moyen et il me semble vous entendre dire que je deviens incrédule ; mais, si je vous explique tous les désordres, les maladies, etc., par les moyens physiques, j’espère que vous serez convaincue ? Il me faudrait vous écrire des volumes ; aussi, pour aujourd’hui, me contenterai-je de vous dire que tout vient de la dépravation des mœurs. D’ailleurs, je vous enverrai un livre sur les maléfices que je vous prierai de lire avec attention, je l’ai trouvé très juste, et j’en juge par ce que je connais des expériences physiques. Au surplus, ne vous cassez pas la tête à chercher à me comprendre, c’est bon pour les gens qui ont fait leurs études.

  1. Sorciers, en langue basque.