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présenter un billet de confession tous les mois. Quant aux sermons, je suis charmé de vous apprendre que l’on nous prêche les évangiles tous les dimanches et à toutes les grandes fêtes, et que nous avons aussi catéchisme dans chaque classe. Nous autres, philosophes, nous avons comme prédicateur un docteur en Sorbonne, et je vous prie de croire qu’il nous fait des sermons bien en forme, un peu mieux qu’à notre cathédrale de Dax, je vous l’assure.

« Ne vous tourmentez pas non plus de notre nourriture pendant le Carême, elle est très bonne. Je crois vous avoir déjà dit ce que nous mangions les jours gras ? Les jours maigres, nous avons quatre plats à dîner : deux de poisson, deux de différentes entrées, et une pomme. Le soir, à la collation, du riz, des haricots ou des lentilles, avec du fromage, du raisiné, des pruneaux ou des mendians, mais presque jamais de châtaignes ; c’est trop cher, je n’en ai guère vu servir jusqu’ici que chez M. d’Arjuzon, c’est un luxe à Paris. Dans ce pays, en dehors du collège, on se croirait avec des huguenots, car on ne connaît pas le maigre, même dans les plus grandes maisons.

« Une chose, ma chère tante, qui m’a bien surpris, c’est que, par deux fois, vous me recommandez de me souvenir de vous. Est-ce que vous me croyez ingrat pour me faire de telles recommandations ? Pensez-vous que je veuille couronner d’épines les tendres soins que vous avez eus pour moi ? Je suis trop reconnaissant, croyez-le, pour commettre une pareille noirceur, et soyez bien persuadée que votre souvenir ne finira qu’avec ma vie. Je vous croyais si sûre de ces vérités que je ne pensais pas qu’il fût utile de perdre mon temps en vaines démonstrations.

« Adio, tante Mimi, zuri ene maytia, ene oro, ene bihotza[1]. »

Il est de fait que l’absence de l’enfant bien-aimé remplissait de tristesse le cœur de l’excellente tante. Poupon croit devoir remonter le moral de celle-ci, à sa manière :


« Mars 1786. — Je suis extrêmement fâché de savoir que vous ne mangez pas tranquillement, cela n’est pas une preuve d’amitié que vous me donnez là, au contraire, parce que vous sçavez que le chagrin abrégera vos jours ; du moins, si vous ne voulez pas penser à vous-même, pensez à vous conserver pour

  1. En langue basque : « adieu, tante Mimi, à vous, ma chérie, mon tout, mon cœur. »