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munie d’un suçoir est appliquée sur le fond, cette pompe aspire un mélange d’eau, de vase et de sable, et les verse directement dans des puits à clapets. L’eau boueuse se décante assez rapidement, et, plus ou moins clarifiée, elle retourne à la mer en déversant par-dessus les bords des puits, qui se remplissent de matières terreuses très concentrées.

Les premiers essais de ces dragues, que l’on désigne souvent sous le nom très caractéristique de « suceuses, » n’ont pas donné tout d’abord des résultats parfaits, parce que la machine aspiratrice et les réservoirs qui recevaient la boue draguée étaient portés sur deux bateaux séparés, comme cela continue à avoir lieu pour les dragues à godets, à cuillers ou à mâchoires, qui fonctionnent d’une manière irréprochable dans les fleuves et dans toutes les eaux tranquilles. Mais, à la mer, l’accostage de deux bateaux n’est commode qu’avec un temps absolument calme, et une houle d’une trentaine de centimètres seulement peut produire des chocs dangereux. Le remède a été bientôt trouvé ; et on construit aujourd’hui des bateaux dragueurs à la fois aspirateurs, porteurs et auto-moteurs, contenant sur la même coque la pompe à sable et à vase et les puits à clapets destinés à recevoir la boue aspirée, pouvant évoluer dans tous les sens avec le secours de leur hélice et allant décharger leurs déblais assez loin au large. Ces bateaux résistent au vent, tiennent la mer même quand elle est assez houleuse et que le creux des vagues atteint 80 centimètres ; ils peuvent donc travailler en rade à peu près toute l’année, sans gêne pour la navigation ; et on conçoit que, dans ces conditions, le prix de revient des dragages soit extrêmement réduit, parce que tout le matériel, le capital et le personnel affectés à l’opération ne supportent aucun chômage, aucun temps d’arrêt[1].

Le port de Dunkerque, comme celui de Calais et en général tous ceux de la mer du Nord établis sur une côte sablonneuse, naturellement un peu mobile et ayant une tendance à s’engraisser, ne pourrait plus aujourd’hui maintenir la profondeur de sa passe, s’il n’avait recours d’une manière presque continue à

  1. Concours international de 1881 ayant pour objet le meilleur ouvrage sur les moyens d’améliorer les ports établis sur les côtes basses et sablonneuses comme celles de la Belgique.
    Rapport du jury adressé à M. le ministre de l’Agriculture, de l’Industrie et des Travaux publics, Moniteur belge, 24 avril 1887.