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l’Escaut et la grande vallée qu’elle commande, et qu’il croyait avoir donnée à la France pour toujours, à la bouche vaseuse de l’Aa ; et plus de 20 millions étaient libéralement consacrés aux travaux d’Anvers alors qu’on en accordait à peine deux ou trois aux réparations les plus urgentes de Dunkerque épuisé et à moitié ruiné. Les travaux furent continués après l’Empire ; mais le port, le chenal, la passe restèrent longtemps encombrés de sables et de vases. Les bateaux de 300 tonneaux pouvaient seuls s’y présenter. Tout était à refaire, quais, jetées, bassins, écluses, et ce ne fut qu’après avoir dépensé une somme de 15 millions que le port fut ramené, il y a environ un demi-siècle, à un état aussi satisfaisant que celui dans lequel Vauban l’avait établi et qui, en somme, ne comprenait qu’un chenal accessible aux navires de 600 à 700 tonneaux, un avant-port d’échouage, le bassin de la marine et les écluses nécessaires pour produire les chasses indispensables pour un entretien assez médiocre.

Les grands travaux de Dunkerque ne datent réellement que de l’année 1845 ; et c’est alors qu’on commença à transformer ses anciens bassins d’échouage en bassins à flot. Le progrès a été depuis lors très rapide. Dunkerque est devenu depuis quelques années l’un des ports les plus complets et les mieux outillés de l’Europe ; et l’aménagement de ses grands bassins, créés tout d’une pièce, peut être regardé comme un véritable modèle. Sa position exceptionnelle, tout à fait à l’extrémité de l’angle septentrional de la France, à 10 kilomètres à peine de la frontière, la redoutable concurrence d’Anvers, et le voisinage de Londres lui ont imposé en quelque sorte de grands devoirs. Elle les a tous très noblement remplis.

Dunkerque n’a pas, comme les grands ports de l’Escaut et de la Tamise, l’avantage d’être situé dans un grand estuaire ; mais sa rade présente des conditions excellentes de mouillage et avec raison très appréciées ; et c’est depuis Cherbourg la seule rade des côtes de France où peuvent mouiller par le mauvais temps de grands vaisseaux en toute sécurité. Dans ce pays plat des Moëres, la plage est d’une fixité à peu près parfaite. L’estran, qui n’a pas moins d’un kilomètre de largeur moyenne, prolonge doucement à la mer la pente presque insensible de la plaine à peine émergée. Le courant littoral, qui vient le plus souvent de la Manche, a peu à peu entraîné des sables qui ont constitué une série de bancs d’alluvions parallèles au rivage. Ces bancs sous